La chirurgie de la main, une chirurgie complexe

Interview du Professeur Wassim Raffoul, directeur du Centre de la main et spécialiste de la chirurgie plastique et reconstructive, des grands brûlés, de la main et des nerfs périphériques.

Professeur Wassim Raffoul, vous vous êtes spécialisé en chirurgie de la main. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline?
A la base, je suis arrivé un peu par hasard dans la chirurgie de la main. Dans le cadre de ma spécialisation en chirurgie plastique, j’ai eu l’occasion de travailler avec le Professeur Narakas qui était un des pionniers de la chirurgie de la main et des nerfs. Grâce à sa personnalité et ses compétences, j’ai été fasciné par ce qu’il faisait et c’est là que j’ai compris toute la complexité mais aussi le grand attrait de cette spécialité. »

Pourquoi dit-on de la chirurgie de la main qu’il s’agit d’une chirurgie complexe?
Les traumatismes de la main sont très fréquents: 25% des personnes qui consultent aux urgences ont aussi un problème à la main. Ces traumatismes sont toutefois souvent complexes à soigner car ils demandent un niveau de technicité élevé pour les traiter. Nous sommes dans de la microchirurgie, nous devons par exemple suturer des vaisseaux qui ne font même pas 1mm de diamètre avec un fil plus fin qu’un cheveu ! Cela requière énormément de finesse et de minutie. Enfin, il y a également de nombreuses pathologies de la main, souvent dues à l’utilisation fréquentes de la main, au sport ou encore au vieillissement de la population qui nécessitent une connaissance très poussée de l’anatomie et de la physiologie de la main. Toutes ces pathologies nécessitent une prise en charge multidisciplinaire et coordonnée où les infirmiers, physiothérapeutes et ergothérapeutes ont un rôle très important et essentiel. Notre nouveau centre offre ces prestations hautement qualifiées et cette prise en charge multidisciplinaire.

Pourquoi est-il important de toujours consulter un médecin quand nous nous blessons à la main?
La main, c’est notre outil de travail et un outil social que mobilisons constamment. Une blessure mal soignée peut laisser des séquelles à long terme et des problèmes de sensibilité ou encore de mobilité. Il est donc toujours important de consulter un médecin en cas de blessure de la main même bénigne. A titre d'exemple, une plaie de moins d’un centimètre au doigt peut provoquer une lésion au niveau des tendons, des artères ou encore des nerfs qui sont les "éléments nobles" de la main. En cas de lésion d'un élément noble, une prise en charge par un spécialiste est absolument nécessaire.

L’Office fédéral de la santé publique a reconnu la spécialisation de chirurgie de la main comme une spécialité à part entière depuis le début de l’année 2013. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour cette spécialité et pour le CHUV?
Pendant longtemps la chirurgie de la main était une sous-spécialité de la chirurgie plastique et de la chirurgie orthopédique. La considérer comme une spécialité à part entière est une réelle reconnaissance pour ce type de chirurgie. Cela démontre que cette spécialité mérite une formation aussi importante et poussée que les autres. En ce qui concerne le Centre de la main, en tant que centre universitaire, nous avons trois missions : soigner les patients, enseigner aux plus jeunes et développer des projets de recherche. En ce sens, nous sommes rattachés au CHUV mais aussi à l’Université de Lausanne, et sommes chargé de former les futurs médecins. Suite à la reconnaissance de cette spécialité, le programme de formation et d’enseignement a été remis à jour touchant tous les corps de métiers intervenant dans la prise en charge des pathologies de la main.

Parallèlement aux activités cliniques et d’enseignement, le Centre de la main aura également pour mission de conduire des travaux de recherche universitaires. Quels sont les projets de recherches sur lesquels vous travaillez actuellement?
Nous avons plusieurs projets de recherche sur lesquels nous travaillons actuellement. Deux nouveaux projets ont récemment reçu d’importants financements, l’un par un Fond National, l’autre par un fond de la communauté européenne. Le premier mené en collaboration avec le Laboratoire de neuro-prothétique de l’EPLF s’intéresse à la régénération nerveuse. Il s’agit d’un projet très pointu avec des technologies totalement innovantes. Il vise à construire des tubes dans lesquels les nerfs se régénèrent et d’ajouter des cellules souches stimulant leur régénération. En effet, même si aujourd’hui au CHUV, nous pratiquons d’ores et déjà des greffes de nerfs, il arrive parfois qu’il n’y ait pas suffisamment de nerfs à disposition pour réparer la totalité des nerfs lésés.

Et quand est-il du deuxième projet?
Le deuxième projet s’intéresse aux traitements des douleurs fantômes des membres supérieurs. Il vise également à améliorer une main robotisée en permettant de faire ressentir le chaud et le froid à travers les nerfs d’un membre sectionné. Nous avons reçu pour cela un fond européen de 6 millions d’euros. Sur ce projet absolument novateur, nous représentons le CHUV mais aussi l’Université de Lausanne et collaborons dans ce cadre avec 6 grandes institutions universitaires européennes dont l’EPFL.

 Dernière mise à jour le 25/05/2018 à 18:11