Mikhaël Moreau

Les stratégies d’alliances des doctoresses : une analyse des réseaux professionnels franco-suisses

Thèse en cours sous la direction d'Aude Fauvel, IHM-Unil et en codirection avec Rémy Amouroux, IP-Unil

Résumé

Mon projet de thèse s’inscrit dans la recherche FNS MEDIF portant sur l’histoire des premières
femmes médecins, soit celles formées dans la vague de féminisation médicale spécifiquement
franco-suisse entre 1870 et 1914, ainsi que leurs contributions à l’innovation médicale au travers
de l’étude de leur projet de « médecine féminine ».
Ma recherche intitulée « Les stratégies d’alliances des doctoresses : une analyse des réseaux
professionnels franco-suisses » s’attachera à étudier les relations qu’ont nouées les doctoresses
suisses et françaises pour faire carrière. Si des élites de Suisse et de France ont revendiqué un
« féminisme médical » pour glorifier l’ouverture des facultés de médecine aux étudiantes, ce
féminisme s’est arrêté là, les diplômées souhaitant exercer dans ces pays se confrontant à de
nombreuses entraves (règlementaires, institutionnelles) destinées à écarter tout risque de les voir
concurrencer les hommes sur le marché du travail. Conscientes de ces obstacles, des femmes ont
formé dès leurs études des réseaux de solidarité grâce auxquels des anglophones, russophones et
germanophones ont pu développer leur carrière. Mon projet entend éclairer ce qu’il en est des
francophones, et les agentivités qu’elles ont déployées pour pouvoir exercer.
Deux corpus de sources seront mobilisés : les productions des doctoresses (manuels de santé,
thèses, traités médicaux) ; les publications, comptes-rendus de réunions et rapports d’enquête
diligentées dans l’entre-deux-guerres par des associations internationales, suisses et françaises de
femmes médecins. L’analyse de ces corpus permettra d’identifier celles qui sont parvenues à
exercer et dresser une cartographie de leurs parcours professionnels transnationaux entre la
Suisse et la France. Il s’agira notamment d’observer quelle proportion de diplômées parvient à
pratiquer et si celle-ci évolue au fil du temps. Dans quels secteurs/spécialités les doctoresses ont-elles
travaillé ? Dans quelles institutions et régions des échanges transnationaux ont-ils pris
place ? Leur analyse permettra également d’interroger les alliances professionnelles. Quelles
opportunités d’emploi s’ouvrent aux doctoresses en Suisse et en France ? Quelles stratégies
communes sont adoptées pour consolider les carrières et les filières féminines ? Enfin, il s’agira
de suivre des parcours-types diversifiés de femmes ayant inscrit leur trajectoire professionnelle
dans une voie franco-suisse. Une approche de type prosopographique permettra d’analyser
finement les négociations différentiées des stratégies de carrière et le rôle qu’y ont tenu les
réseaux d’alliances.
Au plan méthodologique, ma recherche s’appuiera sur deux outils d’analyse : les humanités
digitales appliquées aux études genre (instrument d’analyse textuel permettant d’étudier les
discours et dégager les principes organisateurs de la « médecine féminine ») ; une approche « par
le bas » privilégiant les perspectives et agentivités des actrices.
Ce projet de thèse permettra de combler des lacunes historiographiques en apportant de
nouvelles connaissances sur l’histoire des premières femmes médecins, les manières dont elles
ont conduit leur carrière et leurs apports spécifiques aux savoirs médicaux par le biais de
l’élaboration d’une « médecine féminine », encore largement méconnus. En contribuant à deux
bases de données constituées par les membres de MEDIF et partagées avec la communauté
scientifique, ce projet participera en outre à nourrir de futures recherches.

 

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Mikhaël Moreau

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 Dernière mise à jour le 11/04/2024 à 14:19