Questionner les croyances irrationnelles

Vanessa Farine, intervenante socio-éducative, et sa collègue, la psychologue Sophie Nunweiler, reviennent sur le fonctionnement et les particularités du Centre du jeu excessif.

Quelles sont vos activités au sein du Centre de jeu excessif?

Les deux: Nos activités cliniques et de prévention sont intimement liées.

Vanessa Farine: Mon travail est avant tout d’aider les patients en difficulté à retrouver une situation sociale, financière et professionnelle stables. En partenariat avec d’autres structures, et pour autant que le patient s'y sente prêt, nous mettons par exemple sur pied des mesures de protection pour contrôler l’accès à l’argent et des plans de désendettement. Je fais aussi le lien avec les assurances sociales. Autre tâche très importante: la détection précoce! Il s’agit de former d’une part les professionnels de l'industrie du jeu, comme l’impose la loi et, d’autre part, les professionnels de la santé ou du social qui peuvent être amenés à être en relation avec des joueurs excessifs.

Sophie Nunweiler: Pour ma part, mon activité est centrée sur la pratique clinique. Lors d’entretiens individuels, j’essaie d’aider le patient à comprendre sa conduite addictive, et les éléments qui l’y ont conduit. Je l'amène aussi à trouver des ressources pour pouvoir faire face à son envie de jouer, par exemple par la pratique d’autres activités. Vanessa et moi collaborons régulièrement, car ce sont souvent toutes les dimensions de la vie du patient qui sont touchées.

Comment commence-t-on un suivi au CJE?

Vanessa Farine: Par un simple coup de téléphone! Cela débute par un premier entretien téléphonique d’une quinzaine de minutes, qui nous permet de cerner les besoins du patient. Ensuite, si nécessaire, nous convenons d’un premier rendez-vous pendant lequel nous essayons de mieux comprendre sa situation et sa demande. Au besoin, un suivi thérapeutique est initié. Dès le tout début, il est important d’évaluer l’état psychologique du patient. Beaucoup sont dans une grande dépresse, et il faut savoir que près d’un tiers d'entre eux présentent des idées suicidaires au moment du premier contact.

En quoi consistent les suivis thérapeutiques?

Sophie Nunweiler: Pendant les premiers entretiens, nous abordons la situation de crise que traverse le patient. Nous essayons d'identifier les facteurs de stress mais aussi les ressources sur les plans personnel, familial, professionnel, social. L'histoire du comportement de jeu et la pratique actuelle sont aussi investiguées. L’un des objectifs est de comprendre ce qui explique ou participe à son comportement problématique. Nous pouvons également proposer au patient qu'un proche, le plus souvent un conjoint ou un membre de la famille, participe à certains entretiens.

Vanessa Farine: Plus tard dans le suivi, nous essayons notamment d'identifier avec le patient les croyances qui entretiennent l'espoir de gain, et donc le jeu, comme: «En jouant sur cette machine particulière, dans tel contexte, j’aurai plus de chances de gagner». Ou encore: «Comme j’ai perdu depuis un moment, cette fois, je vais nécessairement gagner». Pour cela, nous utilisons différentes techniques d’auto-observation guidée, mais aussi des jeux de rôle.

Sophie Nunweiler: Oui, cela aide le patient à prendre conscience de sa conduite addictive et aussi des conséquences qu’elle a sur sa vie. Un de nos objectifs est que le patient retrouve une place socialement, par le travail ou des loisirs, et en particulier grâce à des activités qui avaient été abandonnées au profit du jeu. On utilise aussi l’approche dite «motivationnelle», qui consiste à explorer, sans à priori, l'ambivalence face au changement, et à soutenir la motivation. Ce travail s’effectue individuellement mais aussi en groupe.

Et qu'offrez-vous aux proches, à la famille, aux parents?

Vanessa Farine: Nous leur apportons une écoute et nous essayons de les aider sur des aspects concrets (par exemple comment se protéger financièrement), car ils ne savent souvent pas comment agir envers la personne qui joue. Il faut se rendre compte que c’est la situation familiale toute entière qui peut être touchée, financièrement ou relationnellement.

Sophie Nunweiler: Nous leur apportons aussi un soutien psychologique car ils peuvent se sentir désarmés. Parfois, il faut aider à rétablir le dialogue au sein d’un couple. Dans d'autres cas, nous pouvons aider les parents de jeunes à envisager différentes mesures pour rendre le temps passé sur les jeux vidéos moins envahissant.

Comment évaluez-vous le succès d’une thérapie?

Sophie Nunweiler: Le terme de succès n'est pas adapté dans ce contexte, car il renvoie à un changement absolu et définitif, ce qui n'est pas réaliste ni aidant!. On vise plutôt une amélioration de la qualité de vie. Celle-ci sera appréciée en fonction des objectifs personnels de chaque patient. Ils peuvent comprendre une réduction ou un arrêt des comportements problématiques, la diminution d’une conséquence négative bien précise, ou encore un sentiment de mieux-être global. Du côté socio-éducatif, l'amélioration se traduit souvent par une situation financière et sociale plus stable et plus satisfaisante.

Vanessa Farine: Un autre indicateur d'amélioration est le fait de pouvoir (re)prendre goût à des activités sociales ou de loisirs autres que le jeu.

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Renseignements:
Centre du jeu excessif
Consultation
Du lundi au vendredi, 9h à 12h et 13h à 18h
 Dernière mise à jour le 10/03/2018 à 13:44