Suite du reportage

Mercredi 15 juillet, 17h30. Centre de transplantation d'organes

Rencontre avec le Dr Jean-Pierre Venetz, médecin associé au CTO, le Dr Maurice Matter, médecin associé au Service de chirurgie viscérale, et Nathalie Pilon, ICUS responsable de l'équipe des infirmières coordinatrices de transplantation au CTO. Ils constituent le noyau de toutes les personnes - qui représentent une bonne vingtaine de spécialités - qui ont préparé méticuleusement l'opération de Francine et Jacques Stefani.

Les médecins soulignent qu'ils ne sont pas là pour convaincre quelqu'un d'être donneur. Le rôle de l'équipe est d'informer, d'expliquer tous les aspects d'une transplantation. C'est tout. Si plusieurs membres de la même famille s'annoncent, ils sont reçus ensemble pour tous disposer de la même information en même temps. Chacun peut ensuite prendre sa décision.

L'évaluation finale d'un candidat donneur se déroule lors d'un colloque multidisciplinaire, où l'équipe se retrouve avec le professeur Manuel Pascual, chef de service du CTO, et de nombreux spécialistes: immunologue, psychiatre de liaison, radiologue, néphrologue, urologue, chirurgien vasculaire, assistante sociale, pour s'assurer que tous les éléments ont bien été analysés.

Car il ne suffit pas d'être candidat. Le donneur doit d'abord être en parfaite santé et son sang compatible avec celui du receveur. Un check-up très poussé permet de le vérifier. Environ 30% des candidats donneurs ne peuvent finalement pas l'être, les examens ayant révélé un problème qui exclut le don.

Si rien ne fait obstacle à la transplantation, un colloque mensuel permet de la préparer dans le détail un ou deux mois à l'avance. Les deux dernières consultations ont lieu une ou deux semaines avant. Toutes les informations nécessaires et utiles sont à nouveau transmises au donneur et au receveur, qui sont convoqués pour 15h, la veille de l'opération pour les ultimes examens.

Lundi 20 juillet, 19h30. Chambre 103, au 15e étage du CHUV

Demain matin, Francine et Jacques seront sur la table d'opération. Francine éprouve toujours la meme sérénité. Pour Jacques, c'est différent. Il avoue une petite angoisse. "Je n'aime pas beaucoup me faire ouvrir. Mais c'est surtout parce que je vais me retrouver privé de liberté pendant quelque temps."

Pendant l'après-midi, ils ont subi l'un et l'autre les derniers examens et rencontré les membres de l'équipe medicale et chirurgicale. Mais tout etait clair pour eux. Que se diront-ils au moment de se quitter demain matin? "Je lui dirai "merde", dit Jacques. "Et puis je t'aime", ajoute Francine.

Mardi 21 juillet, 8 h. Bloc opératoire

Le Dr Matter et son équipe viennent d'entamer l'opération de prélèvement laparoscopique du rein de Francine. Dans la salle d'opération voisine, les préparatifs de sa transplantation chez Jacques commenceront avec trente à quarante-cinq minutes de décalage.

Le Dr Matter explique ce qu'il fait et ce qu'on voit sur l'écran. Son calme est impressionnant. Pour le simple spectateur, tout paraît simple, réglé, minuté. En fait, l'intervention requiert beaucoup d'experience du chirurgien et la coordination de toute l'équipe qui l'entoure.

Vers 10h10, le rein de Francine, prélevé, lavé, refroidi, passe dans la salle d'opération voisine, où l'équipe du Dr Jean-Marc Corpataux, chirurgien vasculaire, l'attend pour le greffer chez Jacques. Tout recommence en sens inverse.

Jeudi 23 juillet, 15h. Chambre 103

Francine va prendre un café avec sa fille à la cafétéria du CHUV. C'est là qu'elle raconte: "Je me sens bien. Je pensais que ce serait plus difficile. Je n'ai pas l'impression que l'on m'a enlevé quelque chose. Les cicatrices sont indolores. J'ai seulement la sensation qu'on m'a boxé le ventre. Mais ce n'est pas plus douloureux qu'un mal de tête et ça diminue de jour en jour. En revanche, j'ai peu d'appétit parce que je bois beaucoup pour faire travailler les reins." Elle rit, puis se reprend: "Pardon LE rein!"

Quand elle s'est réveillée, Francine a tout de suite demandé comment allait son mari. Les nouvelles étaient excellentes. "J'ai l'impression qu'il est content, surtout quand il entend les résultats des contrôles. Ils sont nettement au-dessus des normes."

Coïncidence? Francine a une compagne de chambre qui est en attente d'une greffe de rein. En parlant à son mari au téléphone, celle-ci lui a dit: "Tu sais, je suis dans une chambre où il y a quelqu'un qui vient de donner un rein." Francine a été touchée: "Quand elle a répété cette phrase au cours de la conversation puis, un peu plus tard, à sa soeur, je l'ai ressentie comme un appel. Pour moi, donner un rein à mon mari, dans la mesure où c'est possible, me paraît naturel. C'est un geste altruiste mais cela peut être vu aussi comme un geste égoïste puisqu'il va nous permettre de vivre ensemble comme avant, de ne pas avoir à subir l'un et l'autre les lourdes contraintes de la vie d'un dialysé."

Même jour, un peu plus tard, aux soins continus.

Jacques est souriant dans le lit du box 8. "Je me sens bien, dit-il. J'ai déjà marché jusqu'à la chambre 103 et j'ai recommencé à manger le soir de l'opération. Je suis encore un peu faible mais je n'ai pas de douleurs quand je suis allongé."

Et Jacques s'anime: "Vous savez, elle m'a donné un rein superbe. Je suis passé de 518 de creatinine à 92 aujourd'hui. C'est formidable. Ma femme m'a appelé le soir de l'opération et je l'ai vue hier soir à 22 h. Je suis vraiment très content."

Sur la prise en charge et l'attention du personnel de l'unité d'hospitalisation, Francine et Jacques n'ont pas tari d'éloges. Francine est rentrée à la maison le 27 juillet, Jacques quelques jours plus tard. Au debut, il devra subir des contrôles deux fois par semaine, puis ceux-ci seront progressivement espacés. Mais il est heureux d'échapper, grâce au don de sa femme, à la vie d'un dialysé. Dès qu'ils le pourront, ils ne savent pas encore quand, ils partiront en vacances aux Antilles, dont ils apprécient l'ambiance et le soleil. Ce sera le signe du bonheur préservé.

 

 

 Dernière mise à jour le 02/09/2019 à 15:05