Une patiente accède à un nouveau traitement grâce aux organoïdes

Published by Grand Clementine on 20.02.2023
Une patiente atteinte de mucoviscidose bénéficie directement d’un projet de recherche translationnelle, fruit d’une collaboration entre les Services de pneumologie, gastro-entérologie et pédiatrie du CHUV et l’EPFL.

Une patiente de la Consultation de mucoviscidose adulte du CHUV, âgée d’une vingtaine d’années et porteuse de deux mutations génétiques rares de la mucoviscidose, a développé une infection chronique par Staphylocoque doré, couplée à des allergies à plusieurs antibiotiques. Sa capacité respiratoire a fortement chuté et la patiente a perdu plusieurs kilos en quelques mois.

Initialement, la patiente n'était pas considérée comme éligible aux nouveaux traitements de la mucoviscidose – appelés « modulateurs de CFTR » – car aucune de ses mutations n'était connue pour répondre à ces médicaments. Ces nouveaux traitements, considérés comme une révolution dans la prise en charge de la mucoviscidose, agissent sur le défaut de la protéine CFTR à l’origine de la maladie et dépendent des mutations présentes (il en existe environ 2'000). Ainsi, 15% des patient.e.s ne sont pas éligibles pour ces médicaments qui peuvent améliorer grandement leur capacité respiratoire et leur qualité de vie.  

Depuis 2016, une collaboration entre un laboratoire de l’EPFL*, les consultations de mucoviscidose adulte de l’Hôpital de Morges et du CHUV (Prof. Alain Sauty et PD Dre Angela Koutsokera) et la gastro-entérologie (Prof. Gian Dorta) a permis de tester ces traitements sur des organoïdes constitués à partir de cellules de patient.e.s. Les organoïdes sont des systèmes de culture tridimensionnels complexes qui ressemblent beaucoup plus à l'organe natif que les cultures cellulaires traditionnelles (bidimensionnelles), en termes d'architecture tissulaire, de fonction métabolique et d'expression des gènes et des protéines.

Des cellules souches de la patiente obtenues à partir de biopsies rectales ont été utilisées pour cultiver des organoïdes. Ceux-ci ont ensuite été exposés aux modulateurs de CFTR actuellement disponibles. Après incubation, un effet positif a été observé avec l’ivacaftor. Sur la base de ces résultats, l’équipe de la PD Dre Angela Koutsokera, responsable de la Consultation de mucoviscidose adulte du CHUV, a obtenu une autorisation de prise en charge du traitement par ivacaftor par l'assurance maladie.

Sept jours après le début du traitement, la patiente a signalé une amélioration significative de ses symptômes et son volume respiratoire est passé de 61% à 99%. Neuf mois après, l'amélioration clinique et fonctionnelle spectaculaire est maintenue. La patiente reste asymptomatique et son état nutritionnel s'est nettement amélioré. Le scanner montre une réduction marquée de l'épaississement des bronches et de l’inflammation pulmonaire.

Ces résultats ont été publiés dans l’European Respiratory Journal. À la connaissance des équipes, il s'agit d’une des premières documentations d'une restauration clinique de la fonction pulmonaire après un traitement testé sur des organoïdes.

Les travaux de recherche entre le CHUV, l’EPFL et SUN bioscience (EPFL Innovation Park) se poursuivent et un groupe de travail pluridisciplinaire mis sur pied par le Swiss working Group for Cystic Fibrosis a pour but d’identifier d’autres patient.e.s en Suisse qui pourraient bénéficier de cette nouvelle technique. Les organoïdes représentent une avancée technologique cruciale dans la médecine de précision et sont en train de devenir un outil inestimable pour comprendre un large éventail de processus physiologiques complexes, mais aussi pour le ciblage de produits thérapeutiques. Pour certain.e.s patient.e.s présentant des mutations génétiques rares, les organoïdes peuvent être la clé de l'accès à des thérapies qui changent la vie.

* spin-off devenue SUN bioscience (Dres Nathalie Brandenberg et Sylke Höhnel)

 Last updated on 28/03/2023 at 12:10