Ce livre accompagne la publication sur le site http://www.chuv.ch/iuhmsp/ihm_bhms d’une base de données intitulée «Archives du corps et de la santé au 18e siècle: les lettres de patients au Dr Samuel Auguste Tissot (1728-1797)» Il peut se lire tout à la fois comme une introduction générale à l’histoire du corps souffrant au 18e siècle, et comme un guide à ce qui constitue aujourd’hui une source documentaire tout à fait inédite et originale, soit la volumineuse correspondance reçue par le médecin suisse Samuel Auguste Tissot (1728-1797) durant la deuxième moitié du 18e siècle. Un tel fonds, conservé à la Bibliothèque cantonal et universitaire de Lausanne, est exceptionnel: il contient près de 1300 consultations épistolaires rédigées par des patients ou leurs proches de l’Europe entière et adressées à l’un des praticiens les plus en vue de son temps, afin de solliciter son diagnostic, ses conseils, ses indications thérapeutiques.
Or, les consultations épistolaires, cette modalité de consultation médicale en vogue dans l’Ancien Régime, et dont le fonds Tissot constitue un exemple particulièrement riche, constituent de véritables archives du corps et de la santé. Résolument tournées vers les situations concrètes des êtres humains aux prises avec la maladie et la douleur, elles conduisent à renouveler l’historiographie de la santé et de la médecine en mettant en évidence les significations que les malades attribuent à leurs maux, les pratiques médicales et sanitaires dans ce qu’elles ont de plus concret ou encore le récit de traitements éprouvés à même le corps. En révélant le témoignage des malades ou de leur entourage, elles documentent les perceptions de la santé, de la maladie et du corps du point de vue des profanes.
Comment la maladie est-elle vécue et interprétée au 18e siècle? Selon quelles modalités exprime-t-on ses maux? Que fait-on pour tenter d’y remédier? Quelles sont les attentes à l’égard des soignants ou de la médecine? Comment se déroulent les consultationsauprès de praticiens? Autant de questions que ces archives permettent d’aborder, en offrant, grâce à cet ouvrage et à la présentation à la fois analytique et synthétique de la base de données, l’accès au contenu extrêmement riche de ces correspondances, ouvrant une perspective inédite sur ce domaine vaste et passionnant que constituent les usages et représentations du corps et de la santé au 18e siècle.
La présence, dans la correspondance professionnelle de Tissot, de plus d’un millier de demandes de soins provenant de différents pays européens n’est pas sans lien avec sa carrière de praticien et de médecin écrivain, qui lui a valu une réputation d’envergure internationale1. Né en 1728 et décédé en 1797, Samuel Auguste Tissot a en effet acquis une renommée dépassant de loin les frontières helvétiques grâce à la publication de ses ouvrages, dont le succès auprès de l’élite a indéniablement joué un rôle incitateur dans la constitution de son réseau épistolaire.
Originaire de Grancy, dans le Pays de Vaud, Tissot reçoit une instruction élémentaire auprès de son oncle, pasteur de la paroisse de L’Isle. En 1741, il part pour Genève, où il étudie les humanités à l’Académie. Diplômé ès arts en 1745, il se rend à la Faculté de médecine de Montpellier, et suit une formation sous la direction du médecin François Boissier de Sauvages. Son doctorat de médecine en poche, il revient en 1749 dans le Pays de Vaud, lequel se voit bientôt touché par une épidémie de petite vérole (ou variole). Ayant remporté une certaine estime dans sa manière de traiter les malades atteints de cette affection, il est nommé en 1752 médecin des pauvres de Lausanne, ville dans laquelle il s’installe désormais comme praticien. Il débute également une carrière d’auteur, avec la parution en 1754 de ‘L’inoculation justifiée’, où il reprend les idées du médecin genevois Théodore Tronchin en faveur de l’inoculation préventive de la petite vérole.
En 1765, il se voit chargé par les autorités locales de développer un plan visant à améliorer la santé de la population. L’année suivante, il est nommé professeur honoraire de médecine à l’Académie de Lausanne. Le prestige désormais attaché à son nom fait de Lausanne une des capitales européennes de la santé, où accourent alors des personnalités de haut rang, venues solliciter ses conseils. Il reçoit d’ailleurs plusieurs propositions de travail de l’étranger.
En 1781, il se décide à quitter temporairement le Pays de Vaud, acceptant une offre du grand-duc Léopold de Toscane, qui lui octroie une chaire de professeur de médecine pratique à l’université de Pavie. Outre ses activités académiques, il y supervise la conception et la réalisation d’une clinique, visant à promouvoir l’enseignement au lit des malades2. En 1783, il est de retour en Suisse, à Lausanne, où il demeurera jusqu'à sa mort en 1797, se consacrant à sa pratique et à la rédaction de différents écrits.
Plusieurs des traités de Tissot ont produit un écho retentissant. ‘L’onanisme’, publié en 1760, suscite une réaction formidable dans le public, et amène nombre d’hommes à recourir à ses conseils. Tissot attribue en effet toute une série de maux et de malaises à la masturbation; édité à plusieurs reprises, cet ouvrage se présente comme une mise en garde contre les risques sanitaires de cette pratique.
Quant à l’’Avis au peuple sur sa santé’, paru en 1761, il remporte un succès sans précédent pour un ouvrage de vulgarisation médicale, et connaît de multiples rééditions et traductions du vivant de son auteur. À en croire le médecin français Marc-Antoine Petit, contemporain de Tissot, ce livre se trouve alors «partout, à la ville, à la campagne, sur la table du scavant, sur celle du pauvre, et jusque dans les boudoirs »3.
Dans sa préface, le praticien lausannois précise le public visé par cette publication: «Le titre d’‘Avis au peuple’ n’est point l’effet d’une illusion qui me persuade que ce livre va devenir une pièce de ménage dans la maison de chaque paysan», écrit Tissot, «les dix-neuf vingtième ne sauront sans doute jamais qu’il existe, plusieurs ne sauraient pas le lire; un plus grand nombre, quelque simple qu’il soit, ne le comprendraient pas»; l’auteur le destine avant tout «aux personnes intelligentes et charitables qui vivent dans les campagnes, et qui, par une espèce de vocation de la Providence, sont appelés à aider de leurs conseils tout le peuple qui les environne »4.
Selon Tissot, il s’agit de fournir quelques règles d’hygiène et de pallier le manque de médecins dans les campagnes, où le peuple a fréquemment recours à des guérisseurs ou à des meiges sans formation reconnue. C’est encore une préoccupation éducative et préventive qui l’anime quand il publie, en 1768 et en 1770, deux opuscules à l’attention de l’élite intellectuelle et sociale, respectivement ‘De la santé des gens de lettres’ et ‘Essai sur les maladies des gens du monde’. Il y lance un avertissement à l’encontre des «travaux d’esprit» trop soutenus, menés au détriment de l’activité physique; prônant constamment un mode de vie simple et naturel, éloigné du luxe et de l’oisiveté, il s’efforce de réformer les conduites urbaines, en particulier la sédentarité et les excès alimentaires. Ces deux ouvrages, dont la parution a été remarquée, sont régulièrement mentionnés par les auteurs des consultations épistolaires, eux-mêmes pour la plupart issus des rangs socioculturels privilégiés.
La plus grande entreprise éditoriale du médecin lausannois, qui, bien qu’inachevée, lui vaudra l’estime de la communauté médicale et de la «République des Lettres», est son ‘Traité des nerfs et de leurs maladies’. Publiés entre 1778 et 1780, ces trois tomes de nature théorique traitent des causes et des moyens curatifs propres aux «maux de nerfs», dont il est précisément question dans nombre de consultations épistolaires qui lui seront adressées.
La plus grande partie du fonds Tissot est conservée au Département des manuscrits de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCUL), sous la cote IS3784. Déjà catalogué en 1853, ce fonds est constitué de nombreux manuscrits et d’une riche correspondance. Classé par Adrien Brienne (1816-1881), médecin et député au Grand Conseil vaudois, le fonds a été augmenté, en 1907, de la correspondance reçue par Tissot pendant son séjour à Pavie, acquise par la BCUL auprès du Dr Léon Chavannes. Il convient encore de signaler que la Bibliothèque publique et universitaire de Genève (BPUG) renferme deux volumes de plusieurs centaines de manuscrits et pièces épistolaires de la main de Tissot, tandis que la Bibliothèque des Bourgeois de Berne (Burgerbibliothek Bern) conserve la plus grande partie de la correspondance échangée entre le médecin vaudois et Albert de Haller.
Le fonds Tissot conservé à la BCUL contient deux parties distinctes. La première, qui s’étend des cotes IS3784/I/1 à IS3784/I/130.34, recèle principalement les versions manuscrites de ses publications médicales. On y trouve aussi des écrits médicaux d’autres auteurs, parfois annotés de sa plume5. La seconde partie du fonds, inventoriée au début des années 1990 par l’historien Daniel Teysseire6, est constituée de pièces de correspondance de natureprivée, scientifique et professionnelle. L’ensemble des lettres classées entre les cotes IS3784/II/131.1 et IS3784/II/143.23 contient un nombre important de missives personnelles; on y trouve aussi des échanges scientifiques destinés à des confrères ou à des savants. Les consultations relatives à des malades et à leur prise en charge thérapeutique sont relativement marginales, raison pour laquelle cet ensemble n’a été examiné que de façon sélective. Par contre, les demandes de soins foisonnent dès la cote IS3784/II/144.01, partie du fonds dans laquelle sont rassemblés la grande majorité des documents épistolaires liés à la pratique professionnelle du médecin. Cette portion du corpus a donc été systématiquement dépouillée et saisie dans la base de données, même si quelques documents ne constituent pas à proprement parler des consultations épistolaires mais abordent des sujets théoriques. Un affinage de la cotation a été établi, conduisant à introduire des sous-numérotations supplémentaires pour distinguer chaque pièce de correspondance.
Comment la consultation écrite pouvait-elle constituer un moyen possible pour solliciter et obtenir des conseils thérapeutiques? De quelle manière parvenait-on à déchiffrer le corps à distance? Au 18e siècle, le jugement diagnostique passe moins par l’examen physique que par la prise en considération des symptômes. L’élucidation d’une pathologie ou d’un trouble implique prioritairement un compte rendu du ressenti des malades intégré dans une histoire personnelle et mis en regard avec les caractéristiques propres à chaque individu et à son mode de vie. Selon la culture médicale de l’époque, une affection est en effet principalement déchiffrable par son contexte d’apparition et son évolution; une bonne compréhension de son déroulement fournit les clés de son énigme. De fait, cette perception de la maladie est visible dans la plupart des consultations adressées à Tissot.
Ainsi, Madame Bataillard, qui consulte au sujet de son mari, se propose de raconter deux «accidents effrayants» survenus récemment. Le premier se produisit le 15 janvier dernier. Après un souper où il avait peu mangé, se sentant sans appétit, Monsieur Bataillard fut «saisi d’un mal de cœur considérable», suite auquel il vomit tout son repas et du sang «comme deux bouchées»7.
Fiévreux et avec un pouls élevé, le malade se mit au lit. Après une douzaine de jours, où il s’efforça de prendre du repos, il commença à se sentir mieux. Mais cette rémission devait durer à peine plus de deux mois. Le 13 mars, un second «accident» survint. L’auteure explique la manière dont se déroula cet épisode, avant de revenir sur des événements antérieurs, susceptibles de fournir une explication. Elle indique que son époux a été sujet, il y a vingt ans de cela, à un flux hémorroïdal, qui revenait tous les mois et durait de trois à quatre jours. Cet écoulement a récemment été supprimé, ce qui, selon Madame Bataillard, pourrait avoir quelque rapport avec les troubles dont le malade se plaint. Selon la culture sanitaire de l’époque, des interruptions brutales ou inappropriées de tout flux excrétoire étaient en effet susceptibles de déclencher une affection. Les modèles du corps qui prévalaient alors reconnaissaient au contraire une action généralement bienfaisante aux évacuations de toute sorte, dont la fonction était envisagée comme libératrice ou purificatrice.
D’autres éléments significatifs sont intégrés de manière récurrente aux récits des maux, notamment des «passions de l’âme» – chagrin, frayeur ou encore colère – à la suite desquelles une altération de la santé aurait été remarquée. Les mouvements de joie et de tristesse constituent en effet des éléments essentiels à communiquer au praticien pour déterminer l’origine des maux aussi bien que leur nature. Le comte de La Porte suggère par exemple un lien possible entre ses «maux de nerfs» et le deuil de son épouse.
Les informations relatives à l’histoire des malades et de leur affection se voient généralement complétées par une série d’indications descriptives relatives à l’état du corps. Notion centrale de la médecine des Lumières, l’observation permettrait de se préserver, selon la culture de l’époque, des préjugés dogmatiques; à ce titre, elle serait à l’origine de l’empirisme caractéristique de la science moderne.
Le regard se porte notamment sur l’apparence extérieure des malades. Ainsi, Monsieur de Jungkenn évoque son poids et sa corpulence.
À ces descriptions détaillées s’ajoutent fréquemment des indices témoignant de phénomènes intérieurs: les auteurs s’efforcent d’aller au-delà des impressionsde surface, en étudiant visuellement les diverses excrétions corporelles, qu’elles soient survenues spontanément ou provoquées à la suite de traitements évacuants tels que purgatifs, vomitifs ou saignées. Selon la maladie suspectée, on inspecte urines, selles, expectorations, sueurs, vomissements, hémorragies et autres écoulements.
Madame Roquefeuil, qui consulte au sujet des difficultés de miction de sa sœur, précise que les urines sont peu colorées mais chargées de dépôt13. Requérant des soins pour son épouse, qui connaît des accès de toux et une irritation de la gorge, Carlo Ghilini décrit l’aspect sanguinolent et purulent des expectorations14. Monsieur Clavière qualifie les selles de sa fille de «bien moulées et naturelles», mais contenant parfois des aliments mal digérés15. Un malade juge ses urines troubles et rougeâtres, surtout le matin et le soir; elles contiennent en outre des sédiments16. Un autre relève que les siennes laissent «au fond du vase une espéce de sable d’un rouge-jaune »17.
En dépit de cette masse d’informations, il arrive que le récit des maux n’atteigne pas un niveau de précision suffisant et qu’un examen physique s’impose pour poser un diagnostic. Héritage de l’Antiquité, la prise du pouls se fait couramment; on en apprécie principalement sa régularité, sa rapidité ou son amplitude. Deux épouses veillant sur leur mari malade croient y déceler de «l’émotion18», tandis qu’un mari consultant pour sa femme le décrit comme «vaporeux», mais rarement fiévreux19. Un père prend le pouls de sa fille et le déclare «petit et irrégulier20».
À l’occasion, on effectue également certaines investigations plus spécifiques: utérines21, vaginales22, urétrales23, ou rectales24. Elles sont fréquemment réalisées par des chirurgiens, qui se munissent parfois d’instruments comme le spéculum ou la sonde, mais les médecins pratiquent également à l’occasion divers examens physiques. Le Dr Berguer indique par exemple qu’il n’a trouvé aucun obstacle dans le colon de son patient. Quant au Dr Deberge, il mesure le degré d’inflammation d’une de ses malades en pressant le doigt sur les parties enflées et en comptant le temps nécessaire à la disparition de l’empreinte digitale25. Craignant un état hydropique, un médecin italien a effectué une percussion de l’abdomen, pour vérifier l’éventuelle présence de liquide26.
Les malades intègrent parfois des constats tirés de l’examen du corps dans leur exposé, qu’il s’agisse d’investigations menées par des soignants ou, plus rarement, de procédures exploratoires qu’ils ont eux-mêmes conduites. Ainsi une femme craignant un cancer du sein a procédé à une palpation mammaire, constatant des tumeurs «ramassées au fond des seins27».
De manière générale, les lettres de patients témoignent d’une bonne maîtrise du langage médical: en majorité issus de l’élite cultivée, les auteurs ont parfois parcouru des manuels de vulgarisation ou acquis des connaissances empiriques, s’appropriant certaines notions et se forgeant une culture sanitaire qui leur permet de proposer des interprétations de la maladie.
Échanger questions et conseils thérapeutiques par l’intermédiaire du courrier, telle est la principale fonction de la médecine par lettres. Cette pratique implique deux phases essentielles. La rédaction de la demande, comprenant le compte rendu le plus complet possible de l’état passé et présent du malade, marque la première étape, celle de la ‘consultatio’. Une fois le document acheminé vers son destinataire et après l’élucidation du tableau morbide, se noue le second moment, celui du ‘consilium’, à savoir la réponse du soignant consulté; ce dernier contient une interprétation – sous la forme d’un diagnostic, d’un commentaire étiologique ou d’un pronostic – généralement assortie d’une prescription. ‘Consultatio’ et ‘consilium’ forment ainsi les deux versants de la consultation épistolaire.
Il arrive fréquemment que la requête initiale (‘consultatio’) soit signée par un soignant, en général le praticien ayant assuré l’encadrement thérapeutique du patient jusqu’au moment où il soumet le cas au jugement d’un confrère. Il peut s’agir d’un médecin, d’un chirurgien ou de tout autre conseiller thérapeutique. Le contenu, la forme et le ton de la ‘consultatio’ permettent aisément de la différencier du ‘consilium’: si la première est avant tout descriptive, le second s’apparente davantage à une démonstration et à une argumentation, visant à légitimer le diagnostic et l’ordonnance.
Le terme latin de ‘consilium’ renvoie aux avis établis par une ou plusieurs personnes qualifiées, faisant figure d'autorité. Si la qualité d’expert thérapeutique est le plus souvent attribuée à des professeurs ou à des sommités de la médecine et de la chirurgie, d’autres praticiens peuvent être identifiés comme tels par la population, bénéficiant d’une reconnaissance informelle.
Ainsi, les curés et pasteurs, traditionnels relais de soins, se voient parfois sollicités comme véritables prestataires de secours, collaborant avec des chirurgiens de campagne ou palliant momentanément une offre médicale réduite. Dans les consultations épistolaires du fonds Tissot, on les voit surtout intervenir au niveau de la ‘consultatio’, participant à l’élaboration de la narration soumise au médecin ou prêtant leur plume à des malades démunis, voire analphabètes28. Ils jouent alors le rôle d’intermédiaire social entre le célèbre praticien vaudois et des individus d’origine modeste faisant partie de leur paroisse.
Une proportion relativement importante de ‘consilia’ font suite à une visite médicale traditionnelle, en face à face. La consultation médicale rendue par le chirurgien genevois Louis Jurine indique clairement qu’il y a eu un examen physique approfondi, dont l’auteur a tiré une série d’observations.
La consultation médicale rendue par l’Abbé Desmonceaux au sujet de Monsieur Septier fait, quant à elle, suite à une double investigation. Officiant en tant que soignant, l’ecclésiastique a vu et entendu le malade, avant d’étudier un mémoire rendant compte de l’histoire de ses maux30.
Il arrive également que des patients complètent le discours qu’ils ont prononcé oralement devant leur médecin en rédigeant un rapport écrit. C’est ce que choisit de faire Monsieur Chassot, étudiant en théologie, qui prend la plume peu de temps seulement après avoir rencontré Tissot en face à face.
D’autres malades agissent dans l’ordre inverse, composant une sorte d’aide-mémoire avant de rencontrer leur praticien. Multipliant les précautions afin de n’omettre aucune information, la comtesse Rové de Pica a soigneusement préparé son texte, qu’elle a ensuite déclamé devant Tissot, et dont elle lui réexpédie une copie pour qu’il en conserve bonne note pour la suite du traitement.
La présence archivistique de ‘consultationes’ ou de ‘consilia’ ne signifie donc pas nécessairement l’absence d’entrevue en face à face. Nombre d’échanges de courrier ont été précédés par un rendez-vous initial ou se voient temporairement suspendus le temps d’une visite au cabinet ou au domicile du patient. Le déroulement de la maladie et la manière dont les symptômes sont perçus exercent une influence décisive sur le cours de la relation épistolaire, rythmant son suivi et ses interruptions.
L’étude des origines de la consultation épistolaire se heurte à maintes difficultés, car rares sont les fonds inventoriant précisément les requêtes ou ‘consultationes’ adressées aux soignants. L’autre versant de la relation épistolaire, à savoir les ‘consilia’, a toutefois bénéficié d’un meilleur traitement archivistique. Émanant souvent de figures médicales célèbres, ces documents ont été conservés pour l’intérêt pédagogique ou historique qu’ils peuvent représenter.
Si le corpus hippocratique recèle de nombreuses histoires de malades, celles-ci ne sauraient être qualifiées de ‘consilia’ à proprement parler. Les récits contenus notamment dans les ‘Épidémies’33 sont avant tout descriptifs, voués à l’observation de l’évolution des maladies et visant prioritairement l’énoncé d’un pronostic. Les premières traces de médecine par lettres remontent au 2e siècle. Dans son traité ‘De locis affectis’, Galien évoque en effet des conseils thérapeutiques prodigués à des patients trop éloignés géographiquement pour bénéficier d’une visite en face à face.
C’est durant le 13e siècle que la pratique de la consultation par lettres se développe, d’abord dans le nord de l’Italie35 puis sur le continent européen. Parmi les premières sources retrouvées en territoire francophone, on peut mentionner une consultation médicale de Pierre de Capestang, «maître de médecine» de Montpellier, composée autour de l’an 1300, pour un malade craignant la paralysie36.
La consultation écrite concerne également le domaine de la chirurgie, comme en atteste le traité que le célèbre chirurgien français Henri de Mondeville consacre à son art dans les années 1310.
Relativement bien documentés pour les 17e et 18e siècles, les ‘consilia’ chirurgicaux38 accordent une grande attention à l’histoire du malade et de ses maux, ainsi qu’aux observations minutieuses du corps, qui prennent d’autant plus d’importance quand il s’agit de dépeindre l’état d’une blessure, l’apparence de la peau ou la forme d’une fracture39.
À partir du 17e siècle, la pratique de la consultation épistolaire s’intensifie en raison des progrès en matière d’alphabétisation et de l’extension des voies régionales de communication. De manière générale, la médecine par lettres demeure toutefois relativement restreinte en ce qui concerne les petites agglomérations. Le Dr Pellisier, qui exerce à Saint-Remy de Provence dans les années 1760, n’effectue qu’une seule consultation à distance durant toute une décennie40. En revanche, les médecins de grande réputation établis dans des villes importantes sont fréquemment sollicités par voie épistolaire.
La tradition de la consultation écrite se poursuivra, dans une moindre mesure, jusqu’au 19e siècle; une illustration en est la correspondance du Genevois Jean-Pierre Maunoir, chirurgien et oculiste41. De tels exemples deviennent toutefois plus rares dans le champ de la médecine allopathique, et plus encore de la chirurgie. De fait, c’est surtout au sein de l’homéopathie, qui connaît un grand succès auprès de la population dès la première moitié du 19e siècle, que la médecine par lettres va perdurer42. Entre 1831 et 1862, Samuel Hahnemann, fondateur de cette école de pensée médicale, reçoit plusieurs milliers de demandes de soins auxquelles il répond par le truchement du courrier43.
Parmi les sources contemporaines du fonds Tissot, il convient de mentionner la correspondance professionnelle de deux confrères suisses: celle du célèbre médecin et naturaliste bernois Albert de Haller, conservée principalement à la Burgerbibliothek de Berne44, et celle de Théodore Tronchin, praticien réputé ayant exercé tant à Genève qu’à Paris45.
La correspondance de Tissot procure relativement peu d’indications relatives aux caractéristiques sociodémographiques des malades. Si l’on peut établir qu’hommes et femmes sont représentés dans des proportions pour ainsi dire équivalentes, leur situation sociale est beaucoup moins claire. Pour environ 90% d’entre eux, on ne dispose d’aucune information relative au niveau d’éducation. Les autres, généralement des hommes, ont suivi des études universitaires, étudié dans un collège, reçu une éducation dans un couvent, ou bénéficié de cours particuliers auprès de maîtres ou de précepteurs.
Dans près de 70% des cas – proportion qui est encore plus élevée pour le sexe féminin – on ignore tout des occupations des malades. Parmi les professions ou métiers mentionnés dans les sources, on trouve plus de soixante-dix hommes militaires ou anciens militaires, parmi lesquels plusieurs nobles, ainsi qu’une trentaine d’ecclésiastiques, dont une douzaine d’abbés. Près d’une trentaine de patients font partie des «gens de lettres», autrement dit des savants ou des individus occupés à des «travaux d’esprit», et un nombre considérable de malades appartiennent à la catégorie des «gens du monde», parmi lesquels des nobles parfois très célèbres, dont plusieurs fréquentent les cours royales.
En ce qui concerne les autres patients, plus d’une vingtaine occupent des fonctions en rapport avec la justice, dont bon nombre d’avocats; une proportion comparable exerce une fonction politique – conseiller, consul, parlementaire notamment – tandis que plusieurs sont fonctionnaires publics: forestier, douanier ou encore gendarme; une dizaine d’individus disent simplement être «dans les affaires», en particulier la gestion et le négoce, alors qu’un nombre semblable travaille dans des métiers de l’artisanat: horloger, orfèvre, sellier et carrossier notamment.
Quant aux femmes, plusieurs d’entre elles remplissent une «fonction à la cour», en tant que dames d’honneur, «dames d’atour» et comédiennes du roi. Plus bas sur l’échelle sociale, elles sont quelques-unes à remplir des fonctions telles que servante, jardinière ou couturière.
Il est relativement difficile d’estimer le niveau de fortune des patients de Tissot. Sans conclure à une véritable opulence, on peut toutefois déduire une certaine aisance matérielle pour la plupart d’entre eux, déduction fondée sur des allusions au train de vie: fréquents voyages, séjours de villégiature, précepteurs privés, présence d’un important personnel domestique notamment.
Seule une petite minorité de patients doivent être considérés comme modestes. Leurs situations sont cependant très diverses: certains ont un statut d’étudiants; d’autres ont fait vœu de pauvretéaprès être entrés dans les ordres religieux; plusieurs ont connu des déconvenues financières. En résumé, les individus provenant de milieux défavorisés demeurent excessivement rares, et il s’agit pour la plupart d’employés au service de riches familles; ce sont alors leurs maîtres ou patrons qui prennent l’initiative de recourir aux conseils de Tissot.
De fait, la consultation épistolaire est généralement réservée aux patients disposant de moyens financiers considérables, d’autant que les honoraires sont en moyenne deux fois plus élevés que ceux habituellement demandés pour une visite médicale en face à face46. On estime en effet que le soignant doit y consacrer davantage de temps puisqu’il lui faut rédiger une réponse écrite.
À l’image de nombreuses correspondances, le fonds Tissot ne contient qu’un versant de l’échange de lettres, soit les documents qui sont parvenus au médecin. Il ne subsiste pratiquement pas de pièces émanant de ce dernier, dès lors qu’elles ont été retournées à ses interlocuteurs.
Il arrive néanmoins que des individus le consultant à une nouvelle reprise lui fassent parvenir la copie de ses courriers antérieurs, afin de lui rappeler les traitements déjà recommandés. Monsieur Lasseire, qui consulte pour son fils âgé d’une dizaine d’années, s’ingénie à fournir un historique aussi complet que possible de la situation. Pour ce faire, il joint à sa lettre une réplique des prescriptions du médecin lausannois.
Le même dessein anime Madame de Vilieu de Laval, qui croit nécessaire de remémorer le détail de ses maux et de leur prise en charge.
Le dossier de Monsieur Vauthier mérite d’être parcouru de manière plus approfondie, puisqu’il est l’un des rares à offrir les deux faces de la consultation épistolaire, à savoir la demande du malade et la réponse du soignant. On peut donc y suivre différentes étapes de l’interaction soignant-soigné.
Le premier courrier, daté du 9 août 1771 et expédié de Vesoul, est signé par le malade lui-même. Il fait probablement suite à une précédente consultation, car l’auteur donne de ses nouvelles sans commencer par un exposé préalable. Il a suivi, écrit-il, le régime préconisé par Tissot, mais il n’a pas pu débuter le mercure et la saponaire aussi tôt que prévu, faute d’en trouver à temps. Si le régime a apaisé ses douleurs, les remèdes ont par contre provoqué des diarrhées. De plus, les ventouses «prennent» difficilement, en raison de la maigreur de ses cuisses. Sa faiblesse ne lui permet guère de se livrer à l’exercice, lui laissant simplement faire «quelques tours» dans sa chambre. Il n’a plus de maux de tête, mais se plaint d’une légère «pesanteur» au niveau de l’estomac. Monsieur Vauthier termine sa lettre par ces propos:
Bien que soulignant à quel point il est prêt à tous les efforts pour suivre les prescriptions, le patient admet avoir déjà effectué de lui-même quelques ajustements thérapeutiques, réduisant les activités physiques qui lui avaient été ordonnées en raison de sa faiblesse. C’est dans ce genre d’interaction que se mettent en scène les jeux subtils de négociation et de persuasion entre soignant et soigné. À cette requête, Tissot répond par le courrier suivant.
Obéissant à l’injonction du médecin lausannois, qui souhaite des nouvelles, Vauthier prend la plume dès le 5 avril. Il décrit son histoire depuis le mois d’octobre dernier, indiquant qu’il a eu une «fonte d’humeur», accompagnée de diarrhée, ce qui l’a considérablement fatigué. Il décide alors de prendre du repos pendant les mois de novembre et de décembre. En conformité avec les prescriptions de Tissot, il reprend du mercure et de la saponaire au cours des mois de janvier, février et mars. Son état ne semble toutefois pas satisfaisant. Il se sent dans un profond état d’abattement et d’affaiblissement. Ses jambes sont d’une maigreur extrême, «n’ayant pour ainsy dire plus de chaire aux fesses et cuisses, ainsy que dans les jambes, ce qui ne me permet pas de marcher, meme dans la chambre avec un baton». Après avoir décrit dans le détail ses symptômes actuels, l’auteur termine par ces mots.
Vauthier attendra longtemps la réponse de Tissot, trop à son goût, puisque le 15 mai 1772, il expédie un nouvel envoi, avant d’avoir reçu un quelconque signe de la part du praticien. Il précise d’ailleurs que sa missive précédente contenait un louis d’or en guise d’honoraires; cherchant peut-être à rappeler qu’il s’est acquitté de son dû, il espère que son interlocuteur en fera de même et poursuivra ses soins. Le malade n’est toutefois pas resté sans secours durant les dernières semaines. Toujours excessivement fatigué et craignant un «affaissement de la machine», il a recouru aux services d’un soignant, lequel l’a «taté», et a découvert une dureté près du foie. Sa demande, qu’il exprime à la fois en ouverture et à la fin de sa lettre, est relativement précise. Il aimerait pouvoir regagner des forces et retrouver une certaine aisance de mouvement.
La réponse que Tissot rédige finalement le 2 juillet vient pondérer les espoirs du malade. Il y a peu de chances pour que les difficultés de locomotion disparaissentcomplètement.
Si les réponses ‘in extenso’ de Tissot n’ont guère été conservées, il est toutefois possible d’en reconstituer certains éléments grâce aux annotations que le médecin a laissées en marge de nombreux documents. Souvent écrites dans un style elliptique, probablement en cours de lecture, ces notes contiennent généralement un diagnostic, une hypothèse étiologique ou encore des prescriptions thérapeutiques. Ainsi, au bas de la lettre signée par Madame Depoirresson Dureville, le médecin lausannois écrit.
Une missive expédiée d’Aubonne par un dénommé Abraham Michaud marque, quant à elle, la conclusion de la relation thérapeutique, puisqu’elle consiste en une expression de gratitude suite au rétablissement d’un malade.
Cette allusion aux sentiments de gratitude à l’égard du médecin est particulièrement bien illustrée dans une lettre collective adressée par les habitants d’un village, document qui souligne la dimension communautaire de la maladie.
Les demandes de soins sont parfois articulées de façon indirecte. Ainsi, il arrive que le médecin lausannois se retrouve en possession de consultations épistolaires qui, bien que ne lui étant pas formellement adressées, ont néanmoins été rédigées dans le but de requérir son jugement et ses recommandations. La lettre de Monsieur Bouju, domicilié près d’Angers, en constitue une illustration. S’adressant à la comtesse de Lanion, il narre les souffrances qu’il endure en raison de son «humeur rhumatismale», avant d’ajouter:
Quant à la comtesse Louise de Werthern, de Nassau, elle juge sans doute qu’elle a déjà trop importuné Tissot, puisqu’elle n’ose plus s’en remettre une nouvelle fois à ses conseils. Elle envoie donc une lettre à sa tante de Lausanne, le baronne de Steinberg, avec mission d’intervenir en sa faveur auprès du praticien.
Certains courriers, quoique explicitement destinés à Tissot, peuvent également être considérés comme des sollicitations indirectes. Qu’on songe à toutes les lettres où des patients ou des proches dépeignent un tableau symptomatologique inquiétant, sans formuler de réelles requêtes, mais en exprimant angoisse et désarroi. Monsieur de Jungkenn va jusqu’à faire allusion à sa propre mort.
Dans sa correspondance privée, Tissot reçoit fréquemment desdemandes tacites de la part de ses interlocuteurs. Madame de Maraise, femme d’affaires et épistolière connue au 18e siècle, cultive l’art d’agrémenter ses propos mondains de diverses allusions à ses incommodités, en se défendant de quémander des conseils, mais en donnant toutefois suffisamment d’informations pour que Tissot soit à même de lui en donner.
Cherchant à appuyer sa demande, Madame de Chastenay s’adresse par exemple au médecin lausannois en invoquant leur vieille amitié; elle va jusqu’à le supplier de lui prêter les mêmes égards que s’il avait à soigner l’une de ses parentes.
La lettre de Monsieur Larrey illustre nettement les conventions épistolaires de la fin du 18e siècle, qui autorisent une expression plus libre des sentiments. Il use de rhétorique pour s’attirer les faveurs de Tissot afin d’adapter la prescription à ses préférences, stratégie de négociation thérapeutique apparente dans un grand nombre de courriers.
Ces quelques illustrations suffisent à montrer la diversité des manières dont se conjugue la relation soignant-soigné. Il est certes possible de dégager des usages communs de la pratique épistolaire, notamment en ce qui concerne les représentations du corps et de la santé qui sous-tendent l’appréhension de la maladie. Néanmoins, chaque lettre conserve des aspects singuliers que cette base de données (http://www.chuv.ch/iuhmsp/ihm_bhms ) s’est employée à conserver. Sans prétendre décrire des comportements sanitaires entièrement représentatifs de la société de l’époque, elle souligne le rôle prépondérant du cadre domestique dans la prise en charge des maux, offrant ainsi de précieux éclaircissements sur l’histoire du quotidien et de la famille à l’aube de la Révolution. De cet ensemble de plus d’un millier de missives surgissent et se précisent progressivement des esquisses historiques plus vastes, celles des réseaux sociaux et institutionnels dans lesquels s’inscrivent les pratiques médicales, ou encore celles des modèles théoriques et des pluralismes thérapeutiques qui caractérisent le marché des soins au 18e siècle.
Le fonds Tissot de consultations épistolaires fournit l’occasion de constater à quel point la maladie suscite des expériences diversifiées, lesquelles s’articulent d’une part sur des facteurs socioculturels et historiques, d’autre part sur une série de variables biographiques. Façonné à partir de visions du corps et de la santé communes à une collectivité, le vécu des maux demeure toujours pétri de significations personnelles. Il suscitera des réponses ou des attitudes différenciées, investies d’intentions propres à chaque personne.
Les manuscrits soulignent en effet combien les seuils de tolérance face à la maladie divergent selon les individus. Madame de Ruys, par exemple, juge trop important l’écart qualitatif entre ce qu’elle éprouve, principalement des maux de nerfs et des «vapeurs», et la santé dont elle peut raisonnablement espérer jouir à son âge, raison pour laquelle elle décide de recourir à une aide médicale:
Affligée elle aussi de troubles nerveux et de vapeurs, une dame ayant dépassé la soixantaine conçoit, quant à elle, des attentes nettement moindres vis-à-vis de Tissot et des thérapeutiques.
Au-delà des particularités inhérentes aux récits, des trames narratives récurrentes renvoient aux significations sociales et culturelles de la maladie au 18e siècle.
Seule la contextualisation de chaque pièce de correspondance dans la culture sanitaire de l’époque permet de comprendre les interprétations suggérées par les malades65. Madame Contrisson de Villie estime par exemple que tous ses maux sont dus à une «humeur de rhumatisme» qui se serait «répandu sur les nerfs», induisant engourdissement dans la tête, bourdonnements d’oreille ou encore spasmes66. C’est une même causalité associant théories humorales et étiologie nerveuse qui est retenue par Monsieur Falaiseau; il serait incommodé par une «humeur qui tombe de la tête et coule le long des nerfs du cou», provoquant alors des tremblements et autres symptômes convulsifs67.
D’autres patients emploient des registres lexicaux et sémantiques convoquant un modèle hydraulico-mécanique du corps, selon lequel la circulation et l’évacuation régulière des fluides corporels seraient essentielles au maintien de la santé. Un commerçant commence sa lettre en évoquant une disposition récente à «une surabondance de sang», qui l'a poussé à se faire saigner deux fois par an68. Ce lecteur régulier des ouvrages de Tissot explique cette tendance à la pléthore, considérée comme un risque sanitaire majeur, en décrivant le rhume dont il a été atteint deux ans auparavant.
Le contenu et la forme des consultations épistolaires sont aussi en partie influencés par les ouvrages de Tissot, évoqués dans nombre de lettres, en particulier l’’Avis au peuple sur sa santé’, qui énumère un catalogue de questions nécessaires pour saisir les traits principaux d’une maladie en l’absence du patient; avec ses interrogations relatives à la nature et à la régularité des excrétions corporelles ou encore à la qualité du sommeil, le praticien propose une véritable grille d’écriture de la consultation épistolaire69.
Pour autant, les lettres composées par les profanes ne sauraient être réduites au rang de simple reflet d’un discours médical perçu comme hégémonique, et plusieurs correspondants critiquent sans scrupule les points de vue médicaux qui n’emportent pas leur conviction. On est loin d’un respect univoque et définitivement acquis face à l’autorité médicale, comme en témoigne la lettre du comte de Genouilly.
Le ton dogmatique qui imprègne certains raisonnements médicaux est dénoncé à plusieurs reprises par les patients. Le témoignage de Monsieur Gualtien est à ce titre éloquent.
À la doctrine, les malades ou leurs proches préfèrent l’expérience et l’observation, raison pour laquelle ils se sentent parfois mieux armés que les médecins pour rendre compte de leurs maux, ou décident d’en confier la prise en charge à des soignants qui ne sont pas issus du sérail médical académique. Ainsi, racontant le parcours thérapeutique de son épouse atteinte de maux de nerfs, un avocat écrit.
Bien que les patients de Tissot soient pour la plupart issus de couches sociales aisées, ils n’hésitent pas à recourir à des soignants empiriques non reconnus par la communauté médicale ou de faire usage de recettes domestiques traditionnelles. Devant l’insuccès des mesures préconisées par des chirurgiens et des médecins, une ancienne comédienne du roi décide par exemple de s’en remettre à un thérapeute sans licence, espérant ainsi venir à bout de son «état vaporeux» et convulsif.
De tels parcours de soins témoignent du pluralisme thérapeutique à disposition des malades au 18e siècle et éclairent sur les raisons qui motivent le choix d’un soignant ou d’un traitement.
La base de données dont la publication en ligne (http://www.chuv.ch/iuhmsp/ihm_bhms) accompagne celle de cet ouvrage propose une grande diversité de critères de recherche afin de répertorier tant des indications relatives à l’expérience de la maladie que des informations plus objectives – telles que l’âge ou le genre – se prêtant à des études sérielles ou quantitatives. Il apparaît toutefois que nombre de données supposées quantifiables impliquent une part importante d’interprétation, de la part des auteurs qui les incorporent à leur récit mais aussi de celle des historien-ne-s qui s’attachent à les restituer. Par exemple, une information telle que la durée de la maladie peut s’avérer délicate à reconstruire, tant elle est susceptible de donner lieu à des perceptions différentes.
Le dossier concernant Mademoiselle d’Hervilly, qui contient huit pièces écrites entre février 1770 et juin 1774, en est une preuve éloquente74. Lorsque la première missive, rédigée par la mère de la jeune fille, parvient à Tissot, les maux durent depuis au moins quatre mois et demi. Les parents de l’enfant, alors âgée de huit ans et demi, les mettent sur le compte d’une inoculation variolique, qui aurait été pratiquée sans les précautions d’usage. Ils soupçonnent d’ailleurs que les substances administrées en vue de préparer l’organisme à subir l’intervention contenaient du mercure, ce dont ils n’avaient pas été informés au préalable. Ils semblent implicitement se défier de ce remède, lequel revêt, pour bon nombre de correspondants de Tissot, une image effrayante, celle d’un traitement habituellement réservé aux vénériens et connu pour être particulièrement irritant.
La mère présente l’histoire de la façon suivante: quatre jours après l’inoculation, sa fille se plaignit de forts maux de tête, d’oreille et de gorge, alors que les manifestations cutanées de la petite vérole n’apparurent qu’au onzième jour, s’étendant «depuis les aisselles jusque sous la plante de pieds75». D’autres maux se déclarèrent par la suite: un écoulement d’oreille, qui dura pendant quinze jours, accompagné d’une surdité totale. L’enfant se mit à délirer, «déraisonnant sans cesse, et ne voyant pas ceux qui l’approchoient76». D’autres symptômes apparurent encore. Si les médecins consultés n’y virent qu’une maladie de nerfs, sans établir un lien avec l’inoculation, les parents remarquèrent de leur côté l’apparence particulière du bras dans lequel la petite vérole avait été inoculée: il serait devenu plus faible et plus petit que l’autre, présentant en outre des mouvements continuels et involontaires depuis l’intervention. Le Dr Pouver, responsable de l’inoculation, soutint quant à lui,
Les interprétations des uns et des autres divergent donc fortement quant à l’origine des symptômes. Ont-ils surgi suite à l’inoculation, qui aurait été mal effectuée? Renvoient-ils à une prédisposition antérieure aggravée par cette intervention, ou bien ravivée peu après de façon tout à fait incidente? Doit-on les considérer comme des indices d’un mal encore plus ancien? La lettre signale en effet que vers l’âge de quatre ans, l’enfant aurait eu une «espèce d’attaque d’apoplexie78», qui la laissa sans connaissance durant trois heures. Ne pourrait-on pas y voir une prémisse des troubles actuels, qui se caractérisent eux aussi par des évanouissements? Autant de questions que le manuscrit laisse sans réponse.
La suite du dossier n’aide pas à y voir plus clair. Cinq ans après le premier courrier, la demoiselle est de nouveau confiée aux soins de Tissot, cette fois par l’intermédiaire de sa tante, Madame de Chenoise. Celle-ci raconte l’histoire de la jeune fille, âgée maintenant de treize ans79 : pendant plusieurs années, cette dernière n’aurait été incommodée que de quelques troubles jugés sans rapport avec les maux antérieurs, parmi lesquels une fièvre putride; elle serait également tombée du lit durant son sommeil, ce qui conduisit à une perte de connaissance. Après trois ans de «guérison», l’adolescente manifesta à nouveau des symptômes ressemblant fortement à ceux dont elle avait souffert à la suite de son inoculation, notamment des convulsions, des évanouissements et une grande difficulté de mouvement.
L’auteure suggère qu’il s’agit d’une rechute de la maladie survenue il y a plusieurs années. Cette option interprétative ne fait toutefois pas l’unanimité, puisqu’un médecin ramène, quant à lui, ce tableau morbide à l’imminence des règles et de la puberté, période considérée comme délicate pour la santé des jeunes filles.
Des exemples de ce type sont légion, qu’il s’agisse de la temporalité des maladies ou de leur définition étiologique, de leur évaluation diagnostique ou de leur description symptomatologique. Tout malaise est avant tout un phénomène vécu et apprécié dans l’intersubjectivité, et les divers acteurs concernés ne défendent pas nécessairement toujours les mêmes visions ou versions de l’histoire.
S’il est parfois malaisé de comprendre les expériences et les interprétations des différents protagonistes, il l’est d’autant plus quand il s’agit de les traduire dans des catégories générales, d’où la difficulté à rendre compte de chaque témoignage en fonction des rubriques prédéfinies d’une base de données. Un effort auquel on pourrait renoncer au nom de l’irréductible singularité des manuscrits, mais qui représente la seule condition pour donner une vue d’ensemble de ce corpus de consultations épistolaires. L’élaboration d’une base de données nécessite donc un certain effort d’abstraction et d’objectivation, ce qui induit une tension entre particulier et général, afin de préserver les caractéristiques intrinsèques des sources tout en mettant à disposition des clés de recherche plus schématiques.
Par un mouvement d’aller et retour entre chaque pièce manuscrite et l’ensemble des consultations épistolaires, il est néanmoins possible de reconstruire les catégories de pensée des correspondants de Tissot, afin de décrire les documents en fonction de schèmes narratifs propres au 18e siècle. Il a toutefois aussi fallu créer plusieurs rubriques selon un langage familier aux chercheurs contemporains, afin de faciliter l’utilisation de cette base de données. Par exemple, les appréciations des auteurs concernant les traitements ont été traduites en différentes formules telles que «amélioration temporaire» ou «effet indésirable», bien que ce genre d’évaluation ne soit pas exprimé sous cette forme dans les lettres de patients. La lecture des résultats de recherche permettra néanmoins de découvrir les propos des auteurs, souvent cités littéralement. Ainsi, sous la notion générale d’ «effet indésirable», on trouve des mentions telles que: «les sangsues ont provoqué un affaiblissement général», ou «les purgatifs entraînent une plus grande faiblesse et la perte de l’appétit». Les expressions plus complexes sont généralement reproduites dans le résumé, qui offre un espace pour l’intégration de caractéristiques plus qualitatives propres à chaque document.
Le principe fondamental qui sous-tend la constitution de cette base de données est de considérer chaque pièce de correspondance comme une unité et de créer autant de fiches descriptives qu’il y a de documents. Sauf exception – en cas de doublons – une fiche renvoie donc non pas à un malade, mais à une source.
La base de données contient une quarantaine de rubriques, dont la plupart peuvent servir à faire des sélections, tandis qu’une minorité sont uniquement vouées à la description de la source. Les rubriques ont été étendues et diversifiées au maximum, afin de proposer de nombreuses pistes d’investigation. Il arrive que les documents ne fournissent aucune information relative à une ou plusieurs rubriques. Dans de tels cas, les rubriques en question comportent l’indication «aucune mention», une absence d’information dont il faut tenir compte si l’on effectue des quantifications; l’utilisation de sigles tels que les crochets ou les astérisques sert à signaler une donnée déduite par recoupement ou présentée comme probable sans être certifiée.
Les dix mots-clés thématiques accessibles sur l’écran «Document» offrent autant d’axes d’analyse suggérés par les sources et la littérature secondaire. Ils sont complétés par l’index des matières qui propose des critères plus ciblés sous la forme d’un thesaurus.
BARRAS, Vincent & Micheline LOUIS-COURVOISIER (éds), La médecine des Lumières. Tout autour de Tissot, Genève, Georg/Bibliothèque d’histoire des sciences, 2001
BENAROYO, Lazare, ‘L’avis au peuple sur la santé’ de Samuel Auguste Tissot (1728-1797) ; la voie vers une médecine éclairée, Zurich, Juris Druck, 1988
BOSCHUNG, Urs, « Médecine et santé publique au 18e siècle à travers la correspondance d’Albert Haller et d’Auguste Tissot », Revue médicale de la Suisse romande, 106, 1986, pp. 35-45
EMCH-DÉRIAZ, Antoinette, « L’enseignement clinique au 18e siècle : l’exemple de Tissot », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 4, 1987, pp. 145-164
EMCH-DÉRIAZ, Antoinette, Tissot:Physician of the Enlightenment, NewYork / Berne, Lang, 1992
EMCH-DÉRIAZ, Antoinette, Samuel-Auguste-André-David Tissot – Johann Georg Zimmermann : correspondance 1754-1797, Genève, Slatkine, 2007
EYNARD, Charles, Essai sur la vie de Tissot, Lausanne, Ducloux, 1838
GAIST, Valérie, Tissot et la clinique au 18e siècle : l’exemple de la clinique de Pavie : l’édition du manuscrit : « Projet d’école clinique », Thèse de doctorat en médecine, Université de Lausanne, 1997
GUISAN, André, Eugène OLIVIER & al., Le Docteur Tissot (1728-1797), Lausanne, Imprimerie de la Société de la Gazette de Lausanne, 1928
JORDANOVA, Ludmilla, «The popularization of medicine, Tissot on onanism », Textual Practice, 1, 1987, pp. 68-79
MINDER-CHAPPUIS, Geneviève, Auguste Tissot, sa correspondance avec A. de Haller et ses œuvres durant la période de 1754 à 1761, Berne, s.n., 1973
OLIVIER, Eugène & Charles ROTH, Essai d’une bibliographie sommaire des ouvrages imprimés de Samuel Auguste Tissot, manuscrit, Bibliothèque cantonale et universitaire, Lausanne, 1943
PETIT, Marc-Antoine, « Notice historique sur la vie et les ouvrages de Tissot, médecin de Lausanne, lue dans la première séance publique de la Société de médecine de Lyon [1797] », manuscrit contenu dans le recueil La médecine du cœur et œuvres diverses, Bibliothèque interuniversitaire de médecine, Paris, cote 5212, fol. 122 sq., Paris
REBER, Burkhard, Lettres inédites des célèbres médecins Tissot et Zimmermann, Paris, Champion, 1912
SINGY, Patrick, « Le pouvoir de la science dans l’Onanisme de Tissot », Gesnerus, 57, 2000, pp. 27-41
TARCZYLO, Théodore, « Prêtons la main à la nature : L’onanisme de Tissot », Dix-huitième siècle, 12, 1980, pp. 79-96
TEYSSEIRE, Daniel, «Aux origines de la médecine sociale et de la politique de la santé publique : L’Avis au peuple sur sa santé », Mots / Les langages du politique, 26, 1991, pp. 47-64
TEYSSEIRE, Daniel (éd.), avec la collaboration de Claire BERCHE & Alain NAFILYAN, La médecine du peuple de Tissot à Raspail (1750-1850), Créteil, Conseil général du Val-de-Marne - Archives départementales, 1995
AGRIMI, Jole & Chiara CRISCIANI, Les Consilia médicaux, Turnhout, Brepols, 1994
BARRAS, Vincent et Martin DINGES (éds), Maladies en lettres, 17e-21e siècles, Lausanne, Editions BHMS, 2013 (e-book: http://www.chuv.ch/iuhmsp/ihm_bhms) (version allemande : Krankheit in Briefen im deutschen und französischen Sprachraum, Stuttgart, Steiner Verlag, 2007)
BAUM, Angelica, «‘Cette faiblesse originelle de nos nerfs’, Intellektualität und weibliche Konstitution, Julie Bondelis Krankheitsberichte », dans HOLZHEY & BOSCHUNG, 1995 (C), pp. 5-17
BROCKLISS, Laurence, « Consultation by letter in early eighteenth-century Paris :The medical practice of Étienne-François Geoffroy », dans Ann LA BERGE & Mordechai FEINGOLDS (éds), French Medical Culture in the Nineteenth Century, Amsterdam / Atlanta (GA), Rodopi, 1994, pp. 79-117
CANDAUX, Jean-Daniel, « Consultations du docteur Tronchin pour Diderot, père et fils », Diderot Studies, 6, 1964, pp. 47-54
CHARUTY, Giordana, « Maux dits, maux écrits », dans Daniel FABRE (éd.), Écritures ordinaires, Paris, P.O.L,1993,pp.223-260
COMRIE, John D., «An Eighteenth century consultant », Edinburgh Medical Journal, 32, 1925, pp. 17-30
GOUBERT, Jean-Pierre, «Le corps et la douleur au temps de la Révolution. Le point de vue des patients », dans Arlette LAFAY (éd., La douleur, Paris, L’Harmattan, 1992, pp. 39-46
DALLAS, J., «The Cullen consultation letters », Proceedings of the Royal College of Physicians of Edinburgh, 31, 2001, pp. 66-68
HÄCHLER, Stefan, «Arzt aus Distanz. Die Fernkonsultationspraxis Albrecht von Hallers », dans Martin STUBER, Stefan HÄCHLER & Luc LIENHARD (éds), Hallers Netz : ein europäischer Gelehrtenbriefwechsel zur Zeit der Aufklärung, Bâle, Schwabe, 2005, pp. 317-349
LANE, Joan, « ‘The doctor scolds me’: The diaries and correspondence of patients in 18th century England », dans PORTER 1985b (C), pp. 205-248
LANE, Joan, John Hall and his Patients. The medical practice of Shakespeare’s son-in-law, Stratford- upon-Avon,The Shakespeare Birthplace Trust & Worcester,A. Sutton, 1996
LOUIS-COURVOISIER, Micheline, « Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du 18e siècle », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 18, 2001, pp. 277-296
LOUIS-COURVOISIER, Micheline & Séverine PILLOUD, « Consulting by letter in the 18th century : mediating the patient’s view ? », dans Willem de BLECOURT & Cornelie OSBORNE (éds), Cultural Approaches to the History of Medicine. Mediating medicine in early modern and modern Europe, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003, pp. 71-88
MEYER, Jörg, «‘...als wollte mein alter Zufall mich jetzt wieder unter kriegen’. Die Patientenbriefe an Samuel Hahnemann im Homöpathie-Archiv des Instituts für Geschichte des Medizin in Stuttgart », Jahrbuch des Instituts für Geschichte der Medizin des Robert Bosch Stiftung, 3, 1984, pp. 63-79
OAKLEY, A.F.,«Letters to a seventeenth-centuryYorkshire physician», History of Medicine, 2, 1970, pp. 24-28
OLIVIER, Jean, « Les registres de consultations du Docteur Tronchin », Revue médicale de la Suisse romande, 69, 1949, pp. 659-681
OLIVIER, Jean, « Deux nouveaux registres de consultations du Docteur Tronchin », Revue médicale de la Suisse romande, 75, 1955, pp. 278-292
PILLOUD, Séverine, « Mettre les maux en mots : médiations dans la consultation épistolaire au 18e siècle ; les malades du Dr Tissot (1728-1797) », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 16, 1999, pp. 215-245
PILLOUD, Séverine & Micheline LOUIS-COURVOISIER, «The intimate experience of the body in the 18th century : Between interiority and exteriority », Medical History, 47, 2003, pp. 451-472
PILLOUD, Séverine, Stefan HÄCHLER & Vincent BARRAS, « Consulter par lettre au 18e siècle », Gesnerus, 61, 2004, pp. 232-253
PILLOUD, Séverine, Les mots du corps. Expérience de la maladie dans les lettres de patients à un médecin du 18e siècle : Samuel Auguste Tissot, Lausanne, Editions BHMS, 2013
REBER, Burkhard, « Deux documents inédits de Théodore Tronchin », Bulletin de la société française d’histoire de la médecine, 4, 1909, pp. 356-365
REBER, Burkhard, « Une consultation du docteur Tronchin », Bulletin de la société française d’histoire de la médecine, 13, 1914, pp. 102-105
RISSE, Guenter B., « Doctor William Cullen, Physician, Edinburgh : A consultation practice in the eighteenth century », Bulletin of the History of Medicine, 48, 1974, pp. 338-351
RIST, Édouard, « Une consultation médicale au 18e siècle », La Revue de Paris, 63, 1956, pp. 112-125
RITZMANN, Iris, « Leidenserfahrung in der historischen Betrachtung. Ein Seiltanz zwischen sozialem Konstrukt und humanbiologischer Konstanz », dans Paul MÜNCH (éd.), Historische Zeitschrift, ‘Erfahrung als Kategorie der Frühneuzeitgeschichte’, Munich, Oldenbourg, 2001, pp. 59-72
RUISINGER, Marion M., Patientenweg : die Konziliarkorrespondenz Lorenz Heisters (1683-1758) in der Trew-Sammlung Erlangen, Stuttgart, Steiner, 2008
SARDET, Frédéric, « Gens de Lettres, correspondance et santé au 18e siècle », Équinoxe, 8, 1992, pp. 76-96
SIRAISI, Nancy, « Girolamo Cardano and the art of medical narrative », Journal of the History of Ideas, 52, 1991, pp. 581-602
STOLBERG, Michael, «‘Mein äskulapisches Orakel !’ Patientenbriefe als Quelle einer Kulturgeschichte der Kranheitserfahrung im 18. Jahrhundert », Österreichische Zeitschrift für Geschichtswissenschaften, 7, 1996, pp. 385-404
STOLBERG, Michael, « Homo patiens » : Krankheits- und Körpererfahrung in der Frühen Neuzeit, Cologne, Böhlau Verlag, 2003
TEYSSEIRE, Daniel, Obèse et impuissant : le dossier médical d’Élie de Beaumont, 1765-1776, Grenoble, Million, 1995
TEYSSEIRE, Daniel, « Le réseau européen des consultants d’un médecin des Lumières :Tissot (1728-1797) », dans Diffusion du savoir et affrontement des idées 1600-1770, Montbrison, Association du Centre culturel de la ville de Montbrison, 1993, pp. 253-267
WICKERSHEIMER, Émile, « Pour éviter la paralysie. Conseils de Maître Pierre de Capestang, médecin de Montpellier (vers 1300) », Bulletin de la société française d’histoire de la médecine, 18, 1924, pp. 103-106
WILD, Wayne, Medicine-by-post : the changing voice of illness in eighteenth-century British consultation letters and literature, Amsterdam, Rodopi, 2006
AUGÉ, Marc & Claudine HERZLICH (éds), Le sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1991
BARRAS, Vincent & Philippe RIEDER, « Santé et maladie chez Saussure », dans SIGRIST, René (éd.), Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799), Genève, Georg/Bibliothèque d’histoire des sciences, 2001, pp. 501-524.
BOSCHUNG Urs, «Albrecht Haller’s Patient Records (Bern 1731-1736) », Gesnerus, 53, 1996, pp. 5-14.
DINGES, Martin (éd.), Patients in the history of homoeopathy, Sheffield, European Association for the History of Medicine and Health, 2002
DUDEN, Barbara, The Woman beneath the Skin: A doctor’s patients in eighteenth-century Germany, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1991 (1re édition en allemand 1987)
FAURE, Oliver (éd.), Praticiens, patients et militants de l’homéopathie (1800-1940) (Actes du Colloque franco-allemand, Lyon, 11-12 octobre 1990), Lyon, Boiron S.A. & Presses Universitaires de Lyon, 1992
FAURE, Olivier (éd.), Les thérapeutiques : savoirs et usages, Oullins, Fondation Marcel Mérieux, 1999
FOSTER, Elborg, « From the Patient’s Point of View : Illness and Health in the Letters of Liselotte von der Pfalz (1652-1722) », Bulletin of the History of Medicine, 60, 1986, pp. 297-320
HOLZHEY, Helmut & Urs BOSCHUNG (éds), Gesundheit und Krankheit im 18. Jahrhundert, Amsterdam-Atlanta (Ga), Rodopi, 1995
JEWSON, Nicholas, «The disappearance of the sick man from medical cosmology », 1770-1870, Sociology, 10, 1976, pp. 225-244
LANE, Joan, The Making of the English Patient.A Guide to Sources for the Social History of Medicine, Stroud, Sutton Publishing, 2000
MACCRAY BEIER, Lucinda, Sufferers and Healers : the Experience of Illness in Seventeenth-Century England, Londres - New York, Routledge & Kegan Paul, 1987
MAYER, Roger, « Introduction à l’étude de la correspondance de Jean-Pierre Maunoir (1768-1861) », Gesnerus, 32, 1975, pp. 163-172
POMATA, Gianna, Contracting a cure. Patients, Healers and the Law in Early Modern Bologna, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1998 (1re édition en italien 1994)
PORTER, Dorothy & Roy PORTER, In Sickness and in Health. The British Experience 1650-1850, Londres, Fourth Estate, 1988
PORTER, Dorothy & Roy PORTER, Patient’s Progress : Doctors and Doctoring in Eighteenth-Century England, Cambridge, Cambridge University Press, 1989
PORTER, Roy, «The patient’s view : doing medical history from below », Theory and Society, 14, 1985a, pp. 175-198
PORTER, Roy (éd.), Patients and Practitioners : Lay perceptions of medicine in pre-industrial society, Cambridge, Cambridge University Press, 1985b
PORTER, Roy, «‘Expressing Yourself Ill’: Language of sickness in Georgian England », dans BURKE, Peter & Roy PORTER (éds), Language, Self and Society. A social history of language, Cambridge, Polity Press, 1991, pp. 276-299
RAMSEY, Matthew, «The popularization of medicine in France, 1650-1900 », dans PORTER, Roy (éd.), The popularization of medicine 1650-1850, Londres, Routledge, 1992
RIEDER, Philip, « L’histoire du ‘patient’: aléa, moyen, ou finalité de l’histoire médicale ? », Gesnerus, 60, 2003, pp. 260-271
RIEDER, Philip, La figure du patient au 18e siècle, Genève, Droz, 2010.
RISSE, Guenter B. & John Harley WARNER, « Reconstructing clinical activities : Patient records in medical history », The Society for the Social History of Medicine, 5, 1992, pp. 183-205
STOLBERG, Michael, «The Monthly Malady : A history of premenstrual suffering », Medical History, 44, 2000, pp. 301-322
STOLBERG, Michael, «An Unmanly Vice : Self-pollution, anxiety and the body in the eighteenth century », Social History of Medicine, 13, 2000, pp. 1-21
STOLLBERG, Gunnar & Jens LACHMUND (éds), The Social Construction of Illness : Illness and medical knowledge in past and present, Stuttgart, Franz Steiner, 1992
STOLLBERG, Gunnar & Jens LACHMUND, Patientenwelten : Krankenheit und Medizin vom späten 18. bis zum frühen 20. Jahrhundert im Spiegel von Autobiographien, Opladen, Leske & Budrich, 1995
WOLFF, Eberhard, « Perspectives on patients’ history : Methodological considerations on the example of recent German-speaking literature », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 15, 1998, pp. 207-228.
Catalogue mis à jour en octobre 2015
Les mots du corps. Expérience de la maladie dans des lettres de patients à un médecin du 18e siècle: Samuel Auguste Tissot. S. Pilloud avec une préface d’O. Faure, xviii et 372 p., 2013
Maladies en lettres, 17e–21e siècles. Sous la direction de V. Barras et M. Dinges, 270 p., eBook-BHMS_1, 2013
Le compas & le bistouri. Architectures de la médecine et du tourisme curatif. L’exemple vaudois (1760–1940). D. Lüthi avec une préface d’A.-M. Châtelet, xxii et 546 p., 2012
Body, Disease and Treatment in a Changing World. Latin Texts and Contexts in Ancient and Medieval Medicine (Proceedings of the Ninth International Conference “Ancient Latin Medical Texts”, Hulme Hall, University of Manchester, 5th-8th September 2007). D. Langslow and B. Maire (eds), xviii et 404 p., 2010
Anatomie d’une institution médicale. La Faculté de médecine de Genève (1876–1920). Ph. Rieder, xii et 392 p., 2009
Le style des gestes. Corporéité et kinésie dans le récit littéraire. G. Bolens avec une préface d’A. Berthoz, xiv et 156 p., 2008
La médecine dans l’Antiquité grecque et romaine. H. King et V. Dasen, xii et 130 p., ill. et dessins n/b, 2008
L’ombre de César. Les chirurgiens et la construction du système hospitalier vaudois (1840--1960). P.-Y. Donzé avec un avant-propos de J.V. Pickstone, xx et 369 p., 2007
Medicina, soror philosophiae. Regards sur la littérature et les textes médicaux antiques (1975–2005). Avant-textes Textes réunis et édités par B. Maire, Préface de J. Pigeaud, Ph. Mudry, xxiv et 545 p., 2006
Bâtir, gérer, soigner – Histoire des établissements hospitaliers de Suisse romande. P.-Y. Donzé, 388 p., 33 ill. n/b, 2003
Visions du rêve. Sous la direction de V. Barras, J. Gasser, Ph. Junod, Ph. Kaenel et O. Mottaz, 288 p., 2002
Rejetées, rebelles, mal adaptées – Débat sur l’eugénisme – Pratique de la stérilisation non volontaire en Suisse romande au 20e siècle. G. Heller, G. Jeanmonod et J. Gasser, 2002
Médecins voyageurs – Théorie et pratique du voyage médical au début du 19e siècle. D. Vaj, 348 p. 150 ill. n/b, 2002
La médecine à Genève jusqu’à la fin du 18e siècle. L. Gautier, 746 p., 11 ill., 2001
L’avènement de la médecine clinique moderne en Europe 1750–1815 – Politique, institutions et savoirs. O. Keel, 544 p., 2001
Soigner et consoler – La vie quotidienne dans un hôpital à la fin de l’Ancien Régime (Genève 1750--1820). M. Louis-Courvoisier, 336 p., 2000.
L’usage du sexe. Lettres au Dr Tissot, auteur de « L’Onanisme » (1760). Essai historiographique et texte transcrit par P. Singy, x et 278 p., glossaire, 2014
Archives du corps et de la santé au 18e siècle: les lettres de patients au Dr Samuel Auguste Tissot (1728-–1797). S. Pilloud, M. Louis-Courvoisier et V. Barras, 2013 Base de données en ligne : www.chuv.ch/iuhmsp/ihm_bhms
Documenter l’histoire de la santé et de la maladie au siècle des Lumières : les consultations épistolaires adressées au Dr Samuel Auguste Tissot (1728--1797). S. Pilloud, 50 p., eBook-BHMS_2, 2013
Samuel Auguste Tissot, De la Médecine civile ou de la Police de la Médecine. Édité par M. Nicoli avec une introduction de D. Tosato-Rigo et M. Nicoli, lxx et 160 p., fac-similé, glossaire, index, 2009
Gabriel Tarde, « Sur le sommeil ou plutôt sur les rêves ». Et autres textes inédits. Édités par J. Carroy et L. Salmon, viii et 228 p., index, 2009
Se soigner par les plantes. Les «Remèdes» de Gargile Martial. B. Maire avec un avant-propos de K. Hostettmann et un dossier iconographique par M. Fuchs, xxxvi et 136 p., 2007
La formation des infirmiers en psychiatrie. Histoire de l’école cantonale vaudoise d’infirmières et d’infirmiers en psychiatrie 1961--1996 (ECVIP). J. Pedroletti, viii et 231 p., 2004.
75 ans de pédopsychiatrie à Lausanne. Du Bercail au Centre psychothérapeutique. T. Garibian, avec un avant-propos de J.-M. Henny, une préface de F. Ansermet et une postface d’O. Halfon et Ph. Nendaz, xviii et 130 p., 2015
Migration et système de santé vaudois, du 19e siècle à nos jours. T. Garibian & V. Barras, xvi et 72 p., 2012
L’Hôpital de l’enfance de Lausanne. Histoire d’une institution pionnière de la pédiatrie suisse. M. Tavera & V. Barras, xii et 188 p., 2011.
L’imprimé scientifique. Enjeux matériels et intellectuels. Édité par M. Nicoli, x et 186 p., eBook- BHMS_3, 2014
Archives du corps et de la santé au 18e siècle: les lettres de patients au Dr Samuel Auguste Tissot (1728--1797). S. Pilloud, M. Louis-Courvoisier et V. Barras, 2013. Base de données en ligne : www.chuv.ch/iuhmsp/ ihm_bhms
Documenter l’histoire de la santé et de la maladie au siècle des Lumières : les consultations épistolaires adressées au Dr Samuel Auguste Tissot (1728--1797). S. Pilloud, 50 p., eBook-BHMS_2, 2013
Maladies en lettres, 17e–21e siècles. Sous la direction de V. Barras et M. Dinges, 266 p., eBook-BHMS_1, 2013.
Fleurs animées & Flore médicale. Douze cartes A5 (15 x 21 cm), cartes_BHMS 1, 2012.
Entre neurosciences, médecine et culture: comment expliquer l’action humaine. R. Smith, Série Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé
Genèse de la gymnastique. Usages médicaux du mouvement (1817-–1847). G. Quin, Série Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé.