L'IA au Service de l'Immunothérapie
Ce nouvel outil identifie précisément les mutations génétiques des tumeurs, permettant ainsi une personnalisation des traitements ciblée et efficace. Les avantages ? Des résultats optimisés avec moins d'effets secondaires. En cours d'essais cliniques de phase 1 au CHUV, cette innovation promet une révolution dans le traitement du cancer basé sur l'immunothérapie, offrant ainsi de nouvelles perspectives pour les patients.
Amplifier nos défenses naturelles contre le cancer
L'immunothérapie contre le cancer renforce la capacité innée des cellules immunitaires à éliminer les cellules tumorales en reconnaissant spécifiquement des molécules présentes uniquement sur les tumeurs, les distinguant des cellules normales. Cela est possible grâce à des modifications moléculaires au sein des tumeurs, qui les amènent à exprimer de manière anormale des protéines mutées jouant un rôle essentiel dans la reconnaissance immunitaire des tumeurs. Ces protéines peuvent être traitées et présentées sur les cellules tumorales sous forme de peptides liés à l'antigène leucocytaire humain (HLA) et reconnus par les récepteurs T spécifiques comme étant "non-soi". Cibler ces peptides antigéniques mutés, appelés néoantigènes, permettrait aux cellules immunitaires de distinguer les cellules normales des cellules cancéreuses, évitant ainsi le risque d'auto-immunité.
Cibler les marqueurs spécifiques des cellules cancéreuses
Le groupe d'immunopéptidomique, dirigée par la Dre Michal Bassani (Département d’oncologie UNIL-CHUV) est activement impliqué dans la conception de vaccins personnalisés contre le cancer et dans la fabrication de lymphocytes T autologues enrichis en néoantigènes pour le transfert adoptif, ciblant ainsi les mutations présentes dans la tumeur du patient. Ces nouvelles thérapies dépendent souvent de l'identification des mutations somatiques dans la tumeur du patient par séquençage de l'exome entier et de l'ARN, et de la sélection des quelques mutations susceptibles d'être immunogènes et cliniquement pertinentes. Dans le passé, la principale base de choix des mutations les plus favorables était la prédiction de l'affinité de liaison à l'HLA. Néanmoins, de nombreux autres facteurs biologiques et biochimiques interviennent de manière significative dans le mécanisme complexe de la reconnaissance immunitaire. L’objectif de Markus Müller, premier auteur de cette étude, publiée dans la revue Immunity, était donc de créer un outil de « machine learning » qui prioriserait les mutations immunogènes et les néoantigènes.
Utiliser l'intelligence artificielle pour cibler les mutations clés
L’équipe a réanalysé de manière approfondie les données de séquençage de l'exome entier et de l'ARN d'une cohorte de 120 patients atteints de cancer, en intégrant les données de deux tests de dépistage de l'immunogénicité avec une base de données interne de 11 patients. Ils ont examiné les caractéristiques des mutations immunogènes et non immunogènes. Ils ont découvert qu'au-delà des facteurs typiques, d'autres déterminants essentiels, tels que l'emplacement de la mutation dans les points chauds de présentation de l'HLA, la polyvalence de liaison à l'HLA et l'oncogénicité du gène muté, fournissent des informations précieuses pour prédire la reconnaissance immunitaire. Ils ont utilisé des techniques avancées de « machine learning » et développé des classificateurs qui prédisent avec précision la reconnaissance immunitaire d'une mutation somatique et améliorent considérablement la sélection des mutations immunogènes. De plus, ils ont évalué la reproductibilité, l'interprétabilité et la robustesse des méthodes de cette intelligence artificielle. Cet outil informatique est désormais intégré dans des essais cliniques de phase 1 de vaccins personnalisés contre le cancer, actuellement menés par le Centre des Thérapies Expérimentales (CTE) du CHUV (cancer pancréatique et des poumons), sous la direction de la Pre Lana Kandalaft.