Dre P. Archanioti
Mai 2020
Introduction
Le cancer colorectal (CCR) représente la 3ème cause de mortalité par cancer dans les pays d’Europe de l’ouest. Le risque de développer un CCR au cours de la vie est estimé à environ 5% et varie en fonction de facteurs de risque génétiques et environnementaux (tels que le tabagisme et le syndrome métabolique).
La prévention du CCR dans la population générale s’organise autour du dépistage, qui permet par le biais de différents tests, plus ou moins invasifs, de détecter de manière précoce les polypes à risque de dégénérescence néoplasique et de les réséquer.
Etant donné son incidence, l’histoire naturelle de la maladie, le taux de mortalité et l’accès à des traitements efficaces à un stade précoce, le cancer colorectal représente une cible idéale pour un programme de dépistage.
Epidémiologie
En terme de fréquence, le CCR représente le 2ème cancer chez la femme et le 3ème chez l’homme. C’est le cancer le plus fréquent en Europe, avec une incidence de plus de 430 000 cas et plus de 200 000 décès par an avec un sex ratio de 1.5 ♂/♀.
Le taux de survie globale est estimé à 60 % à 5 ans et 52 % à 10 ans. Dans 30 % des cas le CCR est découvert à un stade d’emblée métastatique avec une réduction de la survie à 5% à 5 ans.
En Suisse le CCR représente 11 % des cancers. 4000 nouveaux cas sont diagnostiqués par an dont 375 dans le Canton de Vaud avec 1600 décès par an (130 dans le Canton de Vaud).
Au cours des 20 dernières années la prévention du CCR dans le monde a évoluée avec l’application de programmes de dépistage dans de nombreux pays. Cependant il existe une grande hétérogénéité dans le type de programme mis en place et l’adhésion des populations à celui-ci.
Intérêt du dépistage
A l’âge de 50 ans le pourcentage de sujets présentant des adénomes dits classiques avec un risque de dégénérescence en cancer est estimé à 25-30%, à l’âge de 70 ans il est de 50%. Le temps d’évolution d’un adénome en cancer est estimé à 7 – 10 ans.
De nombreuses études ont permis de mettre en évidence un bénéfice du dépistage à partir de 50 ans d’une population asymptomatique, à risque moyen de
CCR et d‘en diminuer l’incidence et la mortalité spécifique. Le dépistage permet ainsi :
Les tests de dépistage :
Le test de dépistage optimal se doit de réunir les éléments suivants : des taux de spécificité et sensibilité satisfaisants, une certaine acceptabilité par le patient, un coût peu élevé, une bonne reproductibilité et un risque faible de complication.
De nombreux tests de dépistages ont été décrits avec chacun des avantages et inconvénients résumés dans le tableau ci-dessous :
Tests de dépistage du cancer colorectal (CCR)
| Avantages | Inconvénients | Remarques |
Recherche de sang occulte (selles) |
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ADN tumoral (selles) |
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ADN tumoral (sang) |
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Suisse |
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Recto-sigmoïdoscopie |
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Colonoscopie |
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Colo- CT |
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Vidéo-capsule colique |
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Dans le cadre du dépistage en canton de Vaud, seules la coloscopie et le test immunologique dans les selles ont été retenus dans une démarche de choix éclairé.
Dépistage cantonal Vaudois :
Depuis mai 2014, le Département Fédéral de l’Intérieur a donné un accord pérenne d’exemption de franchise pour les tests de dépistage du cancer du côlon réalisés dans le cadre d’un programme cantonal de dépistage organisé.
Le principe du libre choix éclairé des personnes éligibles est appliqué vis-à-vis des deux modalités de dépistage proposées conjointement :
L’objectif est d’informer 100% de la population cible sur ce programme, la décision informée ayant démontré son intérêt dans l’adhérence des patients au dépistage et dans la réduction de la mortalité.
Personnes concernées :
Critères d’éligibilité
Critères d’exclusion (temporaires ou définitifs selon le contexte)
Stratification du risque de CCR
Modalités du dépistage :
Les tests proposés : Coloscopie vs FIT test
2 options offertes | Recherche du sang occulte tous les 2 ans | Coloscopie de dépistage chaque 10 ans |
Comment réaliser le test ? | Prélèvement au domicile d’une petite quantité de selles à l’aide d’un kit spécialement fourni. Envoi postal et analyse du prélèvement dans un laboratoire spécialisé. | Régime spécial de 48 h et préparation colique au domicile. Réalisation d’une colonoscopie dans un cabinet de gastro-entérologie ou clinique/hôpital avec sédation. Possibilité de résection des polypes d’emblée |
Obtention des résultats | Retour des résultats par courrier au domicile et vers le médecin traitant. | Résultat oral après l’examen et rapport définitif envoyé par courrier à domicile et au médecin traitant. |
Remboursement du test | Remboursement entre 50-69 ans par l’assurance de base avec exception de la franchise. Participation de 10% à la charge du patient. | Remboursement entre 50-69 ans par l’assurance de base avec exception de la franchise. Participation à 10% à la charge du patient. |
Rythme de réalisation | Tous les 2 ans. | Tous les 10 ans. |
Quelles sont les avantages ? | Pas de préparation à réaliser Facile à faire | Meilleur test de détection des polypes avant qu’ils n’évoluent en cancer. Les polypes sont directement enlevés pendant l’examen. |
Fiabilité pour détecter le cancer du côlon | Bonne si réalisation régulière tous les 2 ans. | Excellent si la préparation colique est correctement réalisée. |
Quels sont les inconvénients ? | Risque de résultats faux négatifs : les polypes et cancers ne saignent pas toujours. Il faut dont répéter le test aux 2 ans au minimum. Risque de faux positifs : Un saignement digestif peut s’observer sans présence de polype ou de cancer. En cas de résultat positif, il faudra réaliser systématiquement une colonoscopie. | Faible risque de complication sévère (perforation intestinale ou saignement important) : environ 2‰. En cas d’administration d’un sédatif il ne faut pas conduire pendant 12 à 24 heures (effets secondaires des sédatifs) |
Quelles sont les prestations exemptées de franchise dans le programme de dépistage ?
Ces prestations sont les suivantes :
Attention – Ne sont pas exemptés de franchise :
Montant résiduel à charge des participants 160 CHF
Population à risque élevé et surveillance
Evaluation du risque | Âge de dépistage | Test | Intervalle |
Antécédent familial (apparenté de 1° degré) avec CCR /adénome < 60 ans | 40 ans | Colonoscopie | 5 ans |
Antécédent familial avec CCR / adénome après l’âge de 60 ans | 40 ans | Colonoscopie | 10 ans |
≥ deux apparentés de 1° degré avec CCR / adénome | 40 ans | Colonoscopie | 5 ans |
Maladie de Crohn ou RCUH avec pancolite | 8 ans après le diagnostic | Colonoscopie | 1-2 ans |
Maladie de Crohn ou RCUH colique gauche | 15 ans après le diagnostic | Colonoscopie | 1-2 ans |
Catégorie de risque | Caractéristique des polypes (histologie, critères traditionnels) | Intervalle pour la coloscopie de surveillance après résection d’un polype | Intervalle pour la coloscopie de suivi après coloscopie sans polype |
I | Polype hyperplasique
< 1cm | Coloscopie de dépistage tous les 10 ans | |
> 1cm
| 5 ans | Coloscopie de dépistage tous les 10 ans | |
Adénome tubulaire
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SSA
| 5 ans | 5 ans | |
II | Adénome tubulaire
| 3 ans | 5 ans |
Adénome (tubulo-) villeux | |||
TSA ou SSA
| |||
III | Carcinome pT1 dans un adénome sessile
Carcinome pT1 dans un adénome pédiculé
| ≤ 3 mois contrôle endoscopique du site de résection puis coloscopie dans 3 ans | 5 ans |
IV | Carcinome pT1 dans un adénome
| Présentation au Tumorboard – résection chirurgicale |
Abréviations : TSA ; traditional serated adenomas, SSA ; sessile serated adenomas
Population à risque très élevé et surveillance
Syndrome | Test de dépistage | Fréquence |
Lynch syndrome / HNPCC | Colonoscopie | Tous les 1-2 ans dès 20-25 ans |
OGD | Tous les 3-5 ans dès 30-35 ans | |
Polypose adénomateux familiale (FAP) | Sigmoïdoscopie ou colonoscopie jusqu’à que le nombre des polypes devient trop élevé pour une polypectomie à coléctomie préventive | Surveillance annuelle dès 10-12 ans |
Duodénoscopie | Tous les 1-5 ans , en rapport avec l’apparition des polypes coliques | |
Polypose atténuée (AFAP) | Colonoscopie | Tous les 1-2 ans dès 18-20 ans (fréquence qui varie / au nombre de polypes) |
Duodénoscopie | Tous les 1-5 ans dès 25-30 ans | |
Polypose MutYH-associée | Colonoscopie | Tous les 1-2 ans dès 25-30 ans |
Duodénoscopie | Départ qui varie / au nombre de polypes | |
Peutz-Jeghers syndrome (PJS) | OGD + Vidéocapsule ou Entéro-IRM+ Colonoscopie | Tous les 3 ans, dès 8 ans, si négative prochain contrôle à l’âge de 18 ans |
Polypose Juvenile | Colonoscopie + OGD | Tous les 1-3 ans dès 12-15 ans et ensuite annuelle dès l’apparition des polypes |
Syndrome de Cowden | Colonoscopie | Tous les 2 ans dès l’âge de 15 ans |
Cancer diffuse gastrique héréditaire | OGD | Dès 12-15 ans et prophylactique gastrectomie après l’âge de 30 ans |
Cancer pancréatique familial | Endoscopie , US et IRM | Dès 50 ans surveillance annuelle |
Conclusion :
Sources / Liens d’intérêt :
https://www.pmu-lausanne.ch/sites/default/files/inline-files/pmu-programme-cancer-qr.pdf