Les grands brûlés débutent toujours leur séjour au Service de médecine intensive adulte. Là, ils sont suivis 24h/24 car leur état nécessite une prise en charge très précise, notamment pour la réanimation, l'hydratation et la nutrition. Les premières heures sont décisives.
«En dehors d’un centre spécialisé, ces grands brûlés ne survivraient pas!» Le ton est donné par la Pr. Mette Berger, coordinatrice du Centre romand des grands brûlés. Chaque année, le Service de médecine intensive adulte du CHUV accueille une cinquantaine de ces patients très particuliers. Ils présentent tous des brûlures s’étendant sur plus de 20% de leur surface corporelle, pour certains jusqu’à 95%.
Pour ces blessés, les premières heures de prise en charge constituent un fil de vie, précaire mais décisif. Dès l’arrivée du patient aux soins intensifs, une dizaine de professionnels se succèdent et se côtoient au lit du patient. Qu’ils soient intensivistes, infirmiers-ères, ergothérapeutes, physiothérapeutes, chirurgiens plasticiens, anesthésistes, diététiciens, psychiatres, tous oeuvrent pour sauvegarder les fonctions vitales. «La surveillance est ininterrompue 24h/24, poursuit la Pr. Mette Berger. Le processus de réanimation est régi par un protocole strict. Il s’agit d’une phase aiguë, lors de laquelle, l’organisme est totalement déséquilibré et très fragile.»
Le système cardio-vasculaire est mis à mal. Le patient, endormi pour éviter d’insupportables douleurs, est placé sous assistance respiratoire et monitoré en permanence. Mais le corps du brûlé a aussi perdu sa barrière naturelle, la peau, contre les germes en tous genres. Il devient alors un terrain infectieux propice qu’il faut impérativement protéger en chambre stérile. Enfin, la nutrition et l’hydratation du patient représentent un véritable défi dû à l’absence de peau qui officie normalement comme un barrage contre les pertes de liquides et de température.
Véritable pionnière dans le domaine, la Pr. Mette Berger travaille depuis 1986 sur les besoins nutritifs des grands brûlés.
Un travail si fin et si exigeant que l’informatique fait partie intégrante du processus, afin de calculer au plus proche les éléments à distiller au patient. «Nous avons, par exemple, prouvé que ces patients faisaient d’importantes infections si on ne leur donnait pas d’oligo-éléments. Cette observation nous a permis d’éviter de nombreuses complications, et de réduire d’un tiers la durée du séjour en soins intensifs.»
Les premières heures, les besoins liquidiens sont très perturbés par rapport à la normale, et il est commun de perfuser 10 à 20 % du poids total du patient en liquide dans les 24 premières heures après l’accident: les quantités cumulées de liquides administrés pendant les 10 premiers jours peuvent atteindre 100 litres chez les brûlés les plus graves. Les besoins nutritionnels sont aussi fortement augmentés pendant les premières semaines.
La nutrition des grands brûlés est ainsi une question d’équilibre quasi paradoxal, entre leurs énormes besoins, leur faible tolérance aux excès, et la précision nécessaire dans les dosages de certains micronutriments, tels que le cuivre ou le zinc (servant respectivement à la cicatrisation et l’élasticité de la peau pour la cicatrisation et aux défenses contre les infections). « L’expérience montre que les besoins des patients sont fortement accrus mais variables dans le temps, résume la Pr. Mette Berger. C’est pourquoi notre diététicienne est intransigeante en ce qui concerne le suivi de la nutrition et l’informatisation du service nous assiste dans ce travail de bénédictin. Quand on atteint ce niveau d’exigence et de précision, c’est quasiment un second métier qu’il faut apprendre!»
Autrefois, les patients brûlés à un tel niveau de gravité succombaient à leurs blessures. Aujourd’hui, grâce au regroupement des compétences et des progrès technologiques, le taux de mortalité est inférieur à 10%.