Le laboratoire de recherche du Pr Darius Moradpour, chef du Service de gastro-entérologie et hépatologie, s’est spécialisé dans la compréhension du virus de l’hépatite C. Les mécanismes infectieux de ce virus suscitent en effet encore de nombreuses interrogations.
On estime qu’environ 1% de la population suisse, soit 75'000 personnes, est infectée par le virus de l’hépatite C. Transmissible par le sang, celui-ci cause une inflammation du foie qui peut déboucher sur de graves complications comme une cirrhose ou un cancer du foie. Il n’existe pas de vaccin pour le combattre et les traitements actuels sont efficaces dans 50% des cas seulement.
«Ce virus est sournois, souligne Jérôme Gouttenoire, chef de laboratoire au Service de gastro-entérologie et hépatologie. Grâce à une stratégie élaborée, il s’installe dans les cellules du foie tout en ne montrant aucun signe. Les premiers symptômes de la maladie ne se manifestent en général que 20 ans après l’infection.»
Comment est-ce que le virus s’incruste dans les cellules? Et aussi longtemps sans être détecté? C’est ce que cherche à comprendre l’équipe du chercheur. Car si ces mécanismes sont dévoilés, ils pourraient être la cible de nouvelles voies thérapeutiques.
«Nous pouvons comparer le virus avec une petite usine, explique J. Gouttenoire. Son but est de se répliquer à l’intérieur des cellules pour infecter ensuite d’autres personnes et assurer ainsi sa reproduction. Il est ainsi capable de créer son propre environnement au sein de la cellule du foie, tout en la modifiant pour son propre usage. Nous essayons ainsi de comprendre les mécanismes moléculaires de réplication et d’assemblage du virus dans la cellule, et spécifiquement les interactions entre les protéines du virus et les membranes de la cellule.»
Mais le virus de l’hépatite C maîtrise également l’art du camouflage. Il y a sept ans, le prof. D. Moradpour et des chercheurs des universités de Lausanne et de Genève ont mis en évidence que le virus est bel et bien détecté lorsqu’il pénètre dans la cellule, mais qu’il parvient à bloquer ses moyens de défense pour ne pas être reconnu. Par le biais d’une protéase, le virus arrive à couper en deux une protéine anti-virale générée par la cellule, dont le rôle est de stimuler les défenses immunitaires. «A présent, nous cherchons à savoir si cette protéase coupe d’autres protéines, résume J. Gouttenoire, pour permettre au virus de demeurer aussi longtemps. De plus, celui-ci opère sans doute des modifications qui pourraient entraîner à terme un dérèglement majeur et aboutir au développement de la maladie.»
L’équipe de chercheurs cultive le virus de l’hépatite C dans un laboratoire de haute sécurité biologique (P3) pour écarter le risque d’une transmission à l’homme. «La possibilité d’infecter des cellules en culture est récente, explique J. Gouttenoire. Nous faisons entrer le matériel génétique du virus, son ARN, dans la cellule où il est capable de se multiplier pour donner naissance à un nouveau pathogène. Nous cultivons puis infectons des millions de cellules, pour reproduire ce qui se passe à l’intérieur du corps humain et étudier spécifiquement les protéines qui nous intéressent.»
L’équipe collabore avec des laboratoires étrangers réputés dans le domaine de l’hépatite C, notamment la Rockefeller University à New York, l’Université de Heidelberg ou encore l’Université Claude Bernard à Lyon. «Nous partageons nos projets de recherche et nos outils, conclut J. Gouttenoire. L’Université de Lyon nous fournit par exemple des images en 3D des protéines que nous étudions, nous permettant de visualiser leur structure au niveau des atomes et observer ainsi l’endroit et la manière dont elles sont coupées. Quant à nous, nous amenons notre expérience et notre expertise sur les mécanismes moléculaires qui permettent au virus de persister et de rester à l’abri des regards dans la cellule. Chacun amène sa pierre à l’édifice pour comprendre le fonctionnement du virus.»
Le Prof. Darius Moradpour a reçu le 30 novembre 2012 le titre honorifique de Docteur honoris causa de l’Université Claude Bernard à Lyon. Cette distinction honore l'étroite collaboration qu'il entretient depuis de nombreuses années avec cette institution et récompense son travail clinique et de recherche, qui se concentre sur la virologie moléculaire et la pathogenèse de l'hépatite C.
Ses travaux de recherche ont également été récompensés par divers prix nationaux et internationaux, dont le Prix Leenaards en 2006, le Prix Cloëtta en 2008 et le Prix d'honneur de la Société suisse de gastroentérologie en 2009. En savoir plus...