Une nouvelle méthode pour étudier les maladies auto-immunes

Publié par Espie Laure le 27.11.2025
Les recherches lancées en 2012 par le Laboratoire de neuro-immunologie du CHUV ont permis de valider une technique permettant d’étudier les mécanismes des maladies auto-immunes dans des organes jusqu’ici peu ou pas accessibles comme le cerveau.

Ces travaux sont publiés dans "Nature Communications".

Les maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, psoriasis, maladie de Crohn, par exemple) résultent d’un dysfonctionnement du système immunitaire conduisant ce dernier à se retourner contre le sujet en s’attaquant à des parties saines de l’organisme. Ces pathologies touchent différents organes et tissus.

Comment étudier les mécanismes d’une maladie auto-immune dans un organe peu accessible comme le cerveau ? En la matière, les modèles animaux ne suffisent pas ; les recherches doivent aussi pouvoir se faire sur des modèles humains et vivants. Problème : il est exclu, à seule fin de recherche, de prélever un bout de cerveau humain. 

Cette limite tracassait de longue date le Pr Renaud Du Pasquier. Chef du service de neurologie du CHUV, responsable du Laboratoire de neuro-immunologie, Professeur à l’Unil et doyen de la Faculté de biologie et de médecine, il travaille depuis une vingtaine d’années sur les maladies neuro-immunologiques, en particulier la sclérose en plaques.

Le fruit de treize ans de recherche
En 2012, alors qu’il assiste à un congrès à la Nouvelle-Orléans, le Pr Du Pasquier entend parler pour la première fois des « cellules souches pluripotentes induites humaines » (hiPSC). Le principe de cette technique est le suivant : des cellules sont récoltées via un prélèvement sanguin ou cutané. Elles sont ensuite « reprogrammées » en hiPSC afin d’être différenciées en n’importe quel type de cellules, par exemple… des neurones. 

L’idée vient au Pr Du Pasquier d’utiliser cette technologie pour mieux comprendre les maladies auto-immunes. Il se lance dans les hiPSC avec son équipe du Laboratoire de neuro-immunologie du CHUV. Un travail de longue haleine qui a abouti, fin septembre 2025, à une publication dans Nature Communications.

Rôle déterminant des «cellules tueuses» du système immunitaire
L’étude porte sur l’encéphalite auto-immune, maladie liée à une inflammation du cerveau. « La communauté scientifique suspectait fortement les lymphocytes T CD8+, les « cellules tueuses » du système immunitaire, de jouer un rôle dans le développement de cette pathologie, explique le Pr Du Pasquier. Pour le prouver, il fallait mettre en contact des lymphocytes prélevés chez un sujet vivant avec les neurones de cette même personne. En d’autres termes, il fallait que la cellule cible (neurone) et la cellule attaquante (lymphocyte) proviennent de la même personne. » 

Pour trouver ces neurones – et comme il n’est pas possible de faire une biopsie du cerveau à seule fin de recherche – il a utilisé la fameuse méthode hiPSC. Cette dernière a permis de mettre en contact des lymphocytes prélevés chez un sujet avec ses propres neurones dérivés des hiPSC. 

Résultat : l’étude permet d’établir que les lymphocytes T CD8+ ciblent bel et bien les neurones. Ils jouent donc un rôle essentiel dans le développement de l’encéphalite auto-immune. 

Deuxième découverte : grâce au séquençage d’ARN de cellules individuelles, les chercheuses et chercheurs sont parvenus à identifier une population très particulière de lymphocytes T CD8+ à l’origine du problème. « Ce sont des lymphocytes T CD8+ dits régulateurs, précisément ceux qui devraient calmer les ardeurs de leurs pairs, qui sont en cause », détaille le Pr Du Pasquier.

Résultats prometteurs pour la sclérose en plaques
Pour mener à bien ces travaux, les chercheuses et chercheurs ont collaboré notamment avec les équipes des Professeurs Alexandre Harari (Département d’oncologie clinique) et Raphaël Gottardo (Centre de la science des données biomédicales CHUV-Unil). 

L’intérêt de l’étude, outre d’améliorer la compréhension des mécanismes spécifiques à l’encéphalite auto-immune, est de valider une nouvelle méthode d’investigation du rôle des lymphocytes dans les maladies auto-immunes. « Et pas seulement dans le cerveau, insiste Renaud Du Pasquier. La technique peut s’appliquer pour toute maladie auto-immune où l’on suspecte que les lymphocytes jouent un rôle et que l’organe touché est difficilement accessible, comme le pancréas ou le cœur. »

Son équipe travaille d’ores et déjà sur la sclérose en plaques, qui touche quelque 18'000 personnes en Suisse. Les résultats prometteurs. « La phase progressive de la sclérose en plaques commence très tôt ; l’enjeu est donc de stopper le processus rapidement. Une meilleure compréhension des mécanismes d’une maladie peut permettre des avancées thérapeutiques en vue d’affiner les traitements.»

 Dernière mise à jour le 27/11/2025 à 16:10