En un instant, la vie de Sébastien Maillard bascule lorsqu’il est brûlé à 92% suite à l’explosion d’un réservoir de camion. Après une année et demi de soins au CHUV, il peut exercer à nouveau de nombreuses activités de la vie quotidienne.
Le 1er mai 2000, Sébastien Maillard est chargé de réparer le réservoir à mazout d’un camion dans le garage où il travaille. Or de l’essence est mélangée par erreur au mazout et s’enflamme. Il se retrouve en une fraction de seconde dans un jet de flammes. Il est brûlé au 3e degré sur 92% de son corps.
«Sur le moment, je n’ai pas ressenti de douleurs parce que les terminaisons nerveuses de ma peau étaient détruites, raconte Sébastien, mais j’avais de plus en plus de peine à respirer. Par contre, je me suis remémoré le cours de ma vie. Je disais aux ambulanciers qu’il fallait que je m’en sorte, car il était prévu que je me marie trois mois plus tard. Mon dernier souvenir de cette journée est l’arrivée de l’hélicoptère de la Rega. Le Dr Vincent Ribordy, médecin urgentiste, m’a raconté par la suite comment il a réussi à m’intuber malgré que mon corps était un vrai champ de bataille, gonflé et noir. Il a tout fait pour que j’arrive vivant au CHUV.»
Sébastien reste une année et demi au Centre romand des grands brûlés, où il est d’abord pris en charge durant cinq mois aux soins intensifs. Dès son arrivée, on lui prodigue des techniques de réanimation pour assister ses organes – coeur, poumons, foie, reins – qui risquent de s’arrêter. «Les tissus brûlés libèrent des toxines qui circulent dans le sang et provoquent une réaction inflammatoire généralisée des organes, explique le Pr. Wassim Raffoul, chef du Service de chirurgie plastique et reconstructive. Il faut alors enlever au plus vite les tissus morts et les remplacer par des peaux artificielles provisoires pour éviter que des microbes ne viennent infecter le patient.» C’est là toute la difficulté: il faut administrer des chirurgies lourdes et complexes à des patients très fragiles qui se trouvent dans une situation précaire. Pendant les premières semaines, Sébastien est plongé dans un coma artificiel pour traverser cette période le moins douloureusement possible.
«Si j’avais été brûlé à 100%, c’était fini. Mais mes 8% de peau restante m’ont permis de survivre car les chirurgiens ont pu en prélever 2 à 3 cm2 pour que les laborantins et laborantines en recréent 13'000 cm2», poursuit Sébastien. A partir d’une biopsie, l’équipe du Centre de production cellulaire procède à des cultures de cellules. «Nous avions besoin d’une quantité considérable, précise le Pr. Raffoul. Nous avons alors cultivé des kératinocytes (cellules de l’épiderme) qui, mises dans un liquide nutritif, se multiplient très vite. Nous avons également procédé au mélange de deux types de cellules, ce qui prend plus de temps: les kératinocytes, et les fibroblastes prélevées dans le derme, la deuxième couche de la peau. La deuxième culture a été greffée à des endroits délicats sur le corps de Sébastien car son rendu esthétique est meilleur, donnant une couche de peau plus épaisse et plus souple que la première.» La peau de Sébastien est reconstruite progressivement durant cinq mois. 27 opérations sont nécessaires pour poser les greffes, de même que 100 changements de pansements et autant de douches pour laver ses plaies sous anesthésie générale.
Lorsque ses plaies se sont fermées, Sébastien rejoint le Service de chirurgie plastique et reconstructive. Il y reste une année, jusqu’en octobre 2001. Dès son arrivée au CHUV, Sébastien avait été pris en charge par les physiothérapeutes pour maintenir la mobilité de ses articulations, puis renforcer sa musculature et assouplir sa peau afin qu’elle ne se rétracte pas. Dans le service, les séances deviennent intenses et durent au début plus de 5 heures par jour, week-end compris, les mouvements étant repris inlassablement par plusieurs physiothérapeutes en même temps. Le reste de la journée est occupé par les soins et les pansements. «Je connaissais finalement mon traitement par coeur, sourit Sébastien. A force de voir les soignants s’occuper de moi, je savais quels étaient les soins nécessaires à ma peau, les pansements dont j’avais besoin ou les précautions à prendre contre les infections.»
En février 2001, Sébastien se marie avec son amie Karine, qui vient le voir tous les jours à l’hôpital. «Les infirmières m’ont aidé à enfiler mon costume car mes mains étaient recouvertes de bandages, raconte-t-il. Lorsque je suis sorti de ma chambre, tous, médecins, infirmières, aides-infirmières, physiothérapeutes, étaient là. A mon retour, ils avaient décoré ma chambre.» Depuis Noël, le traitement était devenu moins lourd. Progressivement, Sébastien peut passer ses soirées et ses week-ends à la maison, où un physiothérapeute continue à l’aider à assouplir ses mouvements et il se rend au CHUV «comme s’il va au travail».
En 2007, Sébastien termine un nouvel apprentissage et est embauché peu après au CHUV en tant qu’informaticien. «Ca ne m’a pas gêné de revenir à l’hôpital, au contraire!, précise-t-il. Je peux à mon tour aider les personnes qui ont tout fait pour que je m’en sorte.». Grand sportif avant son accident, Sébastien peut reprendre le vélo avec un équipement spécial pour ses mains amputées de plusieurs doigts. Il doit toutefois faire attention à ne pas avoir trop chaud, sa nouvelle peau ne transpirant pas. «J’ai certes des séquelles, mais je peux exercer des activités que je n’avais jamais imaginé pouvoir refaire, conclut-il. Karine est restée à mes côtés, nous avons le bonheur d’être parents de deux petites filles. Tout est revenu dans le droit fil de la vie!»
Texte: Paule Goumaz