Le conseiller en génétique accompagne les patients en leur donnant des informations sur les possibilités d'analyses génétiques et leurs implications. Rencontre avec Marie Met-Domestici, conseillère en génétique au CHUV.
Au 6e étage de l’hôpital Nestlé, dans un couloir peuplé de laboratoires, le bureau de Marie Met-Domestici offre un accueil rassurant et chaleureux, à son image. Son métier reste au premier abord un mystère. Quelles sont les activités d’une conseillère en génétique ?
«Le terme «conseiller» ne traduit pas de façon optimale le terme anglais «Counselling» : notre mission est de transmettre des données scientifiques et médicales au patient lors d’un conseil génétique qui se veut non directif, précise-t-elle. Nous simplifions des éléments complexes afin que le patient ait un maximum de cartes en main pour prendre une décision, la plus éclairée possible. Une bonne compréhension de sa part joue un rôle clé.»
Un métier qui marie science et individus
Après son master en biologie fondamentale, Marie Met-Domestici réalise que le contact humain lui manque dans le travail en laboratoire. Déjà titulaire d’un Master de recherche en «Biologie cellulaire et moléculaire», spécialisé en oncogénèse et développement, elle s’oriente rapidement vers le Master de Conseil en génétique dispensé à l’université de la Méditerranée à Marseille. Dès ses premières années de pratique, c’est une évidence : le lien avec les patients et le suivi de situations familiales complexes offrent à la scientifique une nouvelle dimension professionnelle stimulante.
«Dans notre travail, nous accompagnons le patient en considérant sa situation de manière globale: ses valeurs, son contexte familial, les sentiments qui s’y rattachent sont pris en compte. Une personne qui nous expose les cas de cancers vécus dans sa famille va naturellement être gagnée par l’émotion» explique Marie Met-Domestici.
Construction d’arbres généalogiques, recueil de l’anamnèse personnelle et familiale et calculs de risques font partie des premières étapes lors d’une consultation. Par exemple, dans la pratique de l’oncogénétique, l’évaluation de la situation du patient en équipe avec le médecin généticien intègre les données de l’histoire personnelle et familiale afin de déterminer si l’on peut suspecter une prédisposition héréditaire au cancer au sein d’une famille. Si tel est le cas, en accord avec le médecin, le conseiller va présenter au patient les implications des analyses proposées tant sur le plan personnel que pour son entourage. Et lorsque l’analyse a été effectuée, il discute des enjeux des résultats en termes de surveillance et de prévention avec le patient et pour ses proches.
L’évaluation de l’anamnèse personnelle et familiale, la proposition d’analyse et l’interprétation des résultats fournis par le laboratoire sont discutés en équipe lors de colloques, ce qui permet d’optimiser la prise en charge.
Les conseillers en génétique travaillent donc en étroite collaboration, et sous la responsabilité, d’un médecin généticien, en apportant leur expertise dans la communication de l’information et dans le domaine du «counselling» qui vise à accompagner le patient en considérant les enjeux dans leur globalité.
Comment gérer l’idée de fatalité parfois liée à ces résultats?
«Nous menons une démarche qui vise à atténuer la culpabilité souvent ressentie, notamment lorsqu’on découvre qu’une mutation a été transmise à un enfant. Nous aidons les patients à intégrer le fait que la prédisposition était déjà là, et qu’en avoir connaissance permet d’envisager une meilleure surveillance et parfois des mesures préventives qui visent à réduire le risque. Il est parfois nécessaire de proposer un soutien psychologique. Nous avons la chance de pouvoir proposer un accompagnement par une psychologue spécialisée qui est une ressource essentielle pour nos patients» détaille la spécialiste.
Médiatisation et offre en ligne
En 2013, la star américaine Angelina Jolie avait largement mis en lumière les tests génétiques qui l’ont menée à choisir une double mastectomie. Ceux-ci révélaient qu’elle porte une mutation du gène BRCA1, augmentant fortement son risque de développer un cancer du sein et des ovaires.
«S’il faut évoquer un impact des médias dans notre pratique, le phénomène Angelina Jolie s’est un peu estompé. En revanche, ce sont plutôt les personnes qui se sont lancées dans des tests génétiques que l’on peut commander sur internet qui font leur apparition peu à peu dans nos consultations. Elles n’ont bénéficié d’aucun conseil génétique et arrivent souvent inquiètes, avec des résultats bruts incompréhensibles pour elles» prévient Marie Met-Domestici.
Une profession encore mal (re)connue
Au CHUV, 3 conseillères en génétique travaillent au sein du Service de médecine génétique. Leurs champs d’action s’orientent vers l’oncogénétique, la cardiogénétique, le diagnostic prénatal ou la génétique médicale plus générale. La Suisse compte au total moins d’une dizaine de professionnels exerçant ce métier. Ensemble, ils ont fondé l’Association suisse des Conseillers en Génétique (ASCG) en 2016. Le canton de Vaud est pour l’instant le seul canton à avoir reconnu la profession de manière officielle.