Immersion

Côté patients - le prélèvement

«J’ai dû attendre cinq jours, c’était long»

Après le consentement, le prélèvement chirurgical est un deuxième moment de vérité: les patients ne pourront aller de l'avant dans l'essai que si les lymphocytes extraits de la tumeur se multiplient correctement en laboratoire.

Au départ, il ne s’agissait que d’une tache de naissance sur une fesse qu’Angelo* avait fini par oublier. Mais en 2006, elle a grossi et s’est même dédoublée. Le diagnostic est sans appel: mélanome. Pour Angelo, la surprise est totale: «Avant, je faisais beaucoup de sport, surtout du foot. Et je travaillais sur les chantiers. Je n’étais jamais malade. Aucun médecin ne m’a jamais dit de surveiller cette tache de naissance. J’aurais souhaité que l’on contrôle régulièrement son évolution», confie-t-il aujourd'hui.

Après une chimiothérapie et un traitement d’appoint en immunothérapie, la première phase des traitements se termine à l'été 2009. Mais en 2014, le cancer d'Angelo récidive, avec des métastases au niveau des poumons et du foie. Il est traité à nouveau par immunothérapie jusqu'à l'été 2018, avec un succès mitigé. C'est alors que son médecin lui propose de participer à l’essai clinique baptisé «ATATIL», dont l'investigateur principal est le Prof. George Coukos, chef du Département d'oncologie UNIL-CHUV et du service d'immuno-oncologie. 

Angelo, 44 ans, qui habite dans les environs de Coire, dans les Grisons, traverse la Suisse pour venir suivre son traitement au CHUV, à Lausanne. Il accepte de signer le formulaire de consentement, puis doit passer par le bloc opératoire pour l'étape 2 du protocole: le prélèvement chirurgical.

Intervention décisive

«La première chose que nous faisons, c'est de programmer une biopsie, explique Virginie Zimmer, attachée de recherche clinique au sein du Département d'oncologie UNIL-CHUV. À partir de cet échantillon, on va déterminer s'il y a des lymphocytes T qui infiltrent la tumeur (ou TILs) en nombre suffisant afin de s'assurer que la première phase d'expansion des cellules en laboratoire sera satisfaisante. Si c'est le cas, nous allons par la suite programmer la chirurgie pour faire la résection

Cette opération, suivie d’une hospitalisation, Angelo n'en garde pas un très bon souvenir:

«Je savais ce qui m’attendait: on prélève une métastase présente dans le poumon, on isole les lymphocytes et on regarde s’ils se multiplient. Chez moi, cela a duré cinq jours avant qu’ils commencent à se multiplier. C’était long.»

Car même lorsqu'elles jouent la montre, ce sont bien les cellules qui sont déterminantes. Si les lymphocytes T ne se multiplient pas comme ils devraient, ou si un imprévu vient gripper la séquence, le patient ne pourra pas recevoir le traitement. «Malheureusement, un problème technique peut arriver, même si tout est fait pour que cela se produise le moins souvent possible, explique Virginie Zimmer. C'est aussi la raison pour laquelle nous faisons cette étude: pour vérifier la faisabilité d'un traitement comme celui-là. Il pourrait arriver aussi que tout se passe bien techniquement parlant, mais que les cellules ne se multiplient pas suffisamment pour permettre la ré-infusion.» Cependant, si un patient doit être sorti du protocole, il pourrait se voir proposer de participer à d'autres essais cliniques ou de suivre des traitements standards.

Face à ce risque, Angelo a-t-il hésité à s’engager? «Je n’avais pas d’autres alternatives, à part une ablation du foie, et je n’ai pas peur», conclut-il sobrement, rappelant que ce traitement expérimental a déjà été testé aux États-Unis.

*Nom connu de la rédaction.

Texte: Catherine Cossy

 

 Dernière mise à jour le 16/11/2023 à 19:07