Lombalgie chronique

Apprendre à vivre normalement avec une lombalgie chronique

L’Unité Rachis et réhabilitation traite les douleurs chroniques du dos (lombalgies). Invalidantes, elles empêchent ceux et celles qui en souffrent de poursuive une activité professionnelle à temps complet. Entretien avec le Dr. Michael Norberg, responsable de l’Unité Rachis et réhabilitation qui nous éclaire sur les spécificités de la prise en charge dispensée au CHUV, dans le programme ambulatoire.

Quelle est la mission de l’Unité du rachis et de réhabilitation?
Notre Unité prend en charge des patients avec des douleurs chroniques au dos. Elles peuvent être d’origine rhumatologique, traumatique (par ex. après un accident) ou faire suite à une chirurgie. Le rachis concerne toutes les maladies en lien avec la colonne vertébrale (des cervicales au sacrum).

En Suisse, 80% des gens souffrent d’un mal de dos une fois dans leur vie. Il s’agit de la première cause de consultation d’un médecin généraliste devant les insomnies, les maux de tête et la fatigue générale. On parle de douleurs chroniques dès que leur durée dépasse trois mois. Elles engendrent des restrictions de mouvements mais aussi des difficultés familiales et professionnelles.
Nous traitons les patients pour lesquels une opération n’est pas la bonne réponse. En effet, seules 50-60% des lombalgies peuvent être soulagées par une opération. D’autres approches sont donc privilégiées en premier recours.

Quelles sont les causes des maux de dos?
Les causes du mal de dos sont multifactorielles. Elles peuvent être physiques ou psychiques et émotionnelles (stress, anxiété) ou tout à la fois. Il s’agit d’une problématique complexe.
Un problème physique tel que l’arthrose (usure du cartilage) d’une vertèbre peut occasionner des douleurs. Toutefois, nous avons observé que l’intensité de la douleur ressentie dépend beaucoup de l’état psychologique dans lequel la personne se trouve. Elle sera plus forte en cas de stress, d’anxiété ou d’état dépressif. La qualité des relations avec la famille, l’ancrage social, la situation économique sont autant de variables qui peuvent avoir un effet indirect sur ce ressenti.

Quel est le profil des personnes qui viennent vous voir?
Nos patients ont entre 16 et 90 ans. Toutefois la tranche d’âge la plus fréquemment prise en charge dans notre unité concerne les 35-45 ans.

Comment l’expliquez- vous?
C’est probablement le moment de la vie le plus chargée autant professionnellement que sur le plan familial. Les gens «portent beaucoup sur leur dos».

Comment se déroule leur prise en charge?
La prise en charge est ambulatoire et intensive. Les patients viennent au centre de jour toute la journée, du lundi au vendredi, pendant 3 semaines. Puis, pendant 6 à 9 mois, les patients poursuivent leur rééducation à la maison avec un suivi régulier de notre Unité.
Le programme de soins combine une prise en charge individuelle visant la diminution des douleurs avec un travail en groupe axé sur l’amélioration du mouvement et de la condition physique. Cette approche associe de la physiothérapie, de l’ergothérapie et un soutien psychologique. L’hospitalisation est réservée aux cas complexes.

Quelle est la spécificité des soins prodigués au CHUV?
Notre approche est quasi unique en Suisse Romande (seul le centre de réhabilitation de Lavey-Les-Bains propose un programme similaire): une équipe multidisciplinaire – composée de médecins, d’une équipe infirmière, de physiothérapeutes, d’ergothérapeutes et de psychologues – accompagne les patients. Notre prise en charge est globale, personnalisée et surtout elle s’inscrit sur le long terme. En effet, nous suivons l’évolution de la santé de nos patients sur deux, quatre, six, neuf mois et parfois plus. Chaque situation de soins est unique. Ceci est certainement la clé du succès de notre prise en charge.

Quels sont les résultats de votre programme de soins?
L’effet positif a pu être démontré: 77 % des patients traités retrouvent une activité sociale et professionnelle dans l’année qui suit le traitement.

Concrètement, quelles sont les étapes du traitement?
Lors du premier entretien, nous écoutons l’histoire de la personne. La reconnaissance du problème constitue la première étape du traitement. Nous allons aussi travailler sur les croyances du patient: identifier ce qu’il a compris des origines de son problème et travailler sur ses représentations. En effet, les gens ont dans leur tête des images souvent dramatiques de la cause de leurs douleurs (ex. des vertèbres rouillées alors qu’il s’agit d’une rigidité musculaire et ligamentaire). Ces «croyances» induisent des appréhensions telles que «j’ai mal, je suis foutu» ou «si je fais ce mouvement, j’aurai mal pendant un jour» alors que l’activité physique est excellente pour fortifier la musculature du dos dénouer les tensions et atténuer les douleurs!

Le deuxième entretien pose les étapes du programme sur une base individuelle. Les modules de la prise en charge visent à «reconditionner» le patient à l’effort sur le plan physique et mental. Le reconditionnement physique du patient s’effectue sous la conduite des physiothérapeutes. Ils’agit derenforcement musculaire, d’étirements et d’amélioration de la condition physique, notamment. L’accompagnement psychologique du patient est mis en place avec un suivi individuel et en groupe. On y traite des représentations de la douleur, de la gestion du stress, des appréhensions et des croyances. Les psychologues travaillent avec le patient pour remobiliser ses ressources dans un univers qui semble figé par la douleur.
Il s’agit aussi d’entraîner les situations professionnelles et les activités quotidiennes afin de diminuer les douleurs et les prévenir. Les ergothérapeutes animent des ateliers individuels et en groupe. On y apprend notamment les bonnes postures du corps à adopter à son poste de travail et à les automatiser au quotidien.

Comment faire des exercices intensifs en ayant mal au dos?
La douleur ne doit en aucun cas empêcher le patient de progresser. Notre but est d’apprendre au patient à repousser ses limites physiques et psychologiques pour la rendre plus supportable.

Comment un patient arrive-t-il à l’Unité Rachis et réhabilitation?
Les patients nous sont adressés par leur médecin traitant ou par un médecin spécialiste du CHUV (neurochirurgien ou orthopédiste par exemple).
Nous sommes également mandatés par l’Assurance Invalidité (AI) ou l’Assurance Accident pour réaliser des bilans en cas de douleurs empêchant la personne d’avoir sa pleine capacité de travail.

Une «Success Story»

J’ai été particulièrement marqué par l’histoire d’une jeune femme ayant subi un «coup du lapin» lors d’un accident de la route. Elle souffrait beaucoup. Les différents traitements ne la soulageaient pas. Elle a dû baisser son temps de travail à 50%.

Sur les radiographies, aucune lésion anatomique. Lors des différents entretiens, nous avons identifié une peur extrême du mouvement ainsi qu’un sentiment de culpabilité: elle pensait avoir trop tardé avant de se rendre aux urgences. Nous avons travaillé avec elle sur l’acceptation des événements et l’estime de soi lors d’entretiens individuels. Notre équipe a conçu un programme progressif de réentraînement «sur mesure». Après 3 mois, elle a intégré un groupe de rééducation intensive. Rapidement, nous avons espacé le suivi aux deux mois, puis aux quatre mois et progressivement à deux fois par an. Ses douleurs ont complètement disparu. Elle a repris le travail à 100% et elle s’est mariée!

Unité du Rachis et réhabilitation en chiffres:

  • Rééducation ambulatoire: plus de 80 patients par année
  • Hospitalisation: près de 70 patients par année
  • Consultations individuelles: 15 nouveaux patients par semaine
 Dernière mise à jour le 14/03/2018 à 18:44