Vers un traitement universel contre les infections respiratoires ?

Publié par Berlie Nicolas le 04.08.2025
Des scientifiques lausannois ont développé un traitement antiviral innovant, encore expérimental, capable d’inhiber l’action d’une large panoplie de virus respiratoires. Une étude publiée dans Science Advances.

Dans l’arsenal thérapeutique, il y a un grand absent : un traitement antiviral à large spectre contre les virus respiratoires – grippe, bronchiolite, COVID-19 –, virus qui entraînent chaque année des millions d’hospitalisations, concernant surtout les enfants et les personnes âgées. Or le laboratoire de Valerio Cagno, à l’Institut de microbiologie CHUV-UNIL, a réalisé une percée majeure dans ce domaine, dévoilée dans Science Advances : il a mis au point un composé innovant, utilisant les mécanismes de la biologie cellulaire, pour bloquer l’action de nombreux virus respiratoires.

Miroir aux alouettes pour virus

Les virus sont passés maîtres dans l’art du forçage de serrure : en guise de pince-monseigneur, ils utilisent par exemple les sucres présents à la surface de la cellule, comme l’héparane sulfate et l’acide sialique ; ils s’y lient et peuvent ainsi pénétrer dans la cellule, initiant l’infection. « Or la molécule que nous avons synthétisée agit comme un leurre, explique Grégory Mathez, premier auteur de l’étude. Elle mimétise ces sucres, attire les virus, s’y attache et les détruit. »

La méthode, qui s’intéresse aux inhibiteurs de la liaison virale, n’est pas vraiment inédite : Valeria Cagno, récipiendaire d’une bourse Ambizione du FNS, y travaille depuis de nombreuses années. « La vraie nouveauté, c’est le champ d’action du composé utilisé, explique la chercheuse. Ce qu’il faut savoir, c’est que les virus utilisent différentes voies d’entrée : certains se lient à l’héparane sulfate – c’est le cas du virus respiratoire syncytial (RSV), responsable de la bronchiolite, et du SARS-CoV-2 –, d’autres à l’acide sialique, comme le virus de la grippe. Jusqu’ici, on ciblait soit l’un, soit l’autre. Or notre nouveau composé, baptisé CD-SLNT/SO3-, codéveloppé avec l’EFPL, cible les deux à la fois. »

Une cartouche en plus contre les zoonoses

Cette vision stéréoscopique permet d’obtenir un traitement antiviral à large spectre, efficace contre un grand éventail de virus respiratoires, y compris certaines formes de grippe aviaire. De quoi en faire, potentiellement, un premier rempart contre les pandémies. 

Jusqu’ici, il a été testé avec succès dans des modèles animaux ainsi que, ex vivo, sur des tissus respiratoires humains. « L’effet virucide a été démontré, le traitement agit dès l’entrée du virus, réduisant considérablement l’infection, sans que nous ayons constaté de toxicité », relève Grégory Mathez.

Un brevet a d’ores et déjà été déposé. Restera encore à améliorer la structure de la molécule, à la purifier, avant d’envisager un passage aux essais cliniques. Mais la piste paraît prometteuse. D’autant que, cerise sur le gâteau, le traitement devrait être facilement administrable : se basant sur une expérience de l’EFPL avec un composé similaire, les scientifiques estiment qu’il pourrait être à terme formulé en poudre inhalable, pour traiter voire prévenir les infections.

Lire l’article : Mathez, G., Silva, P. J., Carlen, V., et al., A pan-respiratory virus attachment inhibitor with high potency in human airway models and in vivo, Science Advances (2025), doi: 10.1126/sciadv.adv9311

 Dernière mise à jour le 04/08/2025 à 12:10