La chirurgie minimalement invasive a pour but principal de réduire la morbidité et la mortalité liées à une approche ouverte dans le traitement du cancer de l’œsophage. Sous ce concept, les auteurs anglo-saxons désignent plusieurs procédés : la voie transhiatale réalisée par laparoscopie et cervicotomie gauche et la voie entièrement minimalement invasive (Minimaly invasive esophagectomy MIE) par thoracoscopie et laparoscopie. Sous cette même dénomination, on sous-entend également les voies hybrides transthoraciques réalisées soit par laparoscopie et thoracotomie soit par laparotomie et thoracoscopie.
La base de données PubMed fait état de 180 articles publiés à ce jour. En fait, les voies d’abord minimalement invasives ne sont pas encore standardisées et la plupart des séries sont trop petites pour être statistiquement valables. Par ailleurs, l’adénocarcinome et le carcinome épidermoïde, tumeurs à comportement biologique différent, ne devraient pas être étudiés ensemble.
Toutes les séries concluent à la faisabilité de la chirurgie de l’œsophage minimalement invasive.
La résection laparoscopique transhiatale est fréquemment pratiquée, en raison des changements épidémiologiques survenus, avec augmentation de la proportion d’adénocarcinomes de l’œsophage distal. Le temps laparoscopique est réalisé en premier. L’œsophagectomie est complétée par voie cervicale gauche avec une libération à l’aveugle de la portion organique située entre la carène et le défilé thoracique supérieur. Une mini-laparotomie permet d’extérioriser l’œsophage et de tubuliser l’estomac. Le transplant gastrique est finalement ascensionné dans le médiastin postérieur et anastomosé à l’œsophage cervical.
Les antécédents de thoracotomie, de chirurgie cervicale et/ou de radiothérapie cervico-médiastinale, où la libération à l’aveugle de l’œsophage pouvant entraîner des déchirures de la membraneuse trachéale ainsi que des plaies vasculaires en raison d’adhérences, représentent des contre-indications à utiliser une telle voie d’abord. La voie transhiatale n’est pas recommandée en cas de tumeur du tiers moyen de l’œsophage. Elle nécessite, pour respecter la radicalité carcinologique, une triple voie d’abord : abdominale, thoracique et cervicale gauche.
Plusieurs auteurs ont démontré la faisabilité de la voie d’abord entièrement minimalement invasive par thoracoscopie et laparoscopie. Par voie thoracoscopique et laparoscopique, l’œsophage est entièrement libéré et l’anastomose est réalisée au cou. Il faut souligner que l’abord thoracoscopique ne semble pas diminuer la fréquence et la gravité des complications respiratoires ; cette observation pourrait être la conséquence d’une exclusion pulmonaire droite prolongée.
En 2008, la résection transthoracique selon Ivor Lewis est réalisée de plus en plus selon une technique hybride, associant une laparoscopie pour réaliser la gastrolyse et une mini-thoracotomie postéro-latérale droite pour la tubulisation gastrique et la confection de l’anastomose œso-gastrique intrathoracique. Cette technique permet d’éliminer les risques de paralysie du nerf récurrent et les dysfonctions pharyngées rencontrées avec la voie transhiatale.
Le taux de mortalité après œsophagectomie radicale, quelles que soient les techniques utilisées, est inversement proportionnel au volume opératoire d’un centre hospitalier (20% pour ceux réalisant moins de deux interventions annuelles et 5% pour ceux qui pratiquent plus de dix-neuf interventions).
Grâce à une prise en charge multidisciplinaire, le pronostic du cancer de l’œsophage s’est amélioré. Pour les tumeurs traitées par chirurgie seule, la survie à cinq ans est de 84% pour le stade I (T1N0), de 49% pour le stade IIA (T2-T3N0), de 27% pour le stade IIB (T1-T2N1) et de 17% pour le stade III (T3-T4N1). La plupart des séries récentes font état d’une mortalité postopératoire inférieure à 5% et d’une survie globale à cinq ans de 34-50 %.
Qu’en est-il de la qualité de vie après chirurgie d’exérèse de l’œsophage ? Une seule étude, celle de de Boer compare les voies transthoracique et transhiatale. Un mois après l’intervention, une meilleure performance physique est notée dans le groupe de résection transhiatale, ce qui n’est pas surprenant ; à une année postopératoire, ces différences s’estompent pourtant complètement.
En résumé, la chirurgie minimalement invasive de l’œsophage offre un avantage de confort à court terme, alors que le résultat oncologique semble identique.
Le choix d’un procédé chirurgical doit être adapté de cas en cas et se base sur le type histologique de la tumeur, sa localisation, le stade tumoral et l’état général du patient. Les facteurs pronostiques déterminants pour la survie sont liés au comportement biologique de la tumeur et au stade tumoral initial, au moment de la résection plutôt qu’à la voie d’abord. Les résultats, en termes de complications postopératoires et de survie, sont significativement meilleurs dans les centres spécialisés.
(Tiré de l’article de Prof. J.C. Givel & coll., publié dans la Revue médicale suisse n°141).