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Un nouvel espoir pour les douleurs chroniques post-opératoires

Université de Lausanne

Publié par Soukup Klara

Une intervention chirurgicale entraîne une douleur persistante dans 40% des cas, en moyenne. Ce qui en fait un problème de santé publique. Une étude récente du CHUV et de l’Unil révèle un nouveau mécanisme impliqué dans ce phénomène.

La douleur est une information transmise par notre système nerveux, et plus précisément par les fibres nerveuses nociceptives. Lors d’opérations chirurgicales, une douleur chronique apparaît chez 5 à 85% des patient·es selon le type d’intervention et peut durer plusieurs mois. Les traitements actuels sont rarement efficaces et s’accompagnent d’effets secondaires négatifs. Leur inefficacité s’explique par la compréhension incomplète des mécanismes biologiques responsables de la persistance de l’information douloureuse. Si le rôle des fibres nerveuses nociceptives dans ce processus était connu, une étude dirigée par Marc Suter, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’Unil et responsable du centre d’antalgie du CHUV, montre que les fibres nerveuses non nociceptives sont également impliquées dans la douleur chronique.

L’information douloureuse, mieux vaut la laisser filer

Quand la douleur est aiguë, donc de très courte durée, elle est nécessaire car elle signale un danger et nous permet de réagir afin d’éviter une blessure grave. Comme, par exemple, retirer notre main d’une source chaude avant de se brûler! Si la douleur continue alors que le risque a disparu, elle devient plus handicapante qu’utile. La douleur persistante s’explique notamment par une activation anormale de la microglie: une population de cellules immunitaires du système nerveux central impliquées dans l’inflammation. L’équipe de Marc Suter examine les interactions de ces cellules immunitaires avec les cellules nerveuses, et leur influence sur la douleur chronique. Dans sa dernière étude, publiée dans le journal Pain, elle s’est intéressée plus particulièrement aux cellules microgliales de la moelle épinière car cette dernière représente le premier point de contact entre systèmes nerveux central (cerveau et moelle épinière) et périphérique (les nerfs qui transmettent les diverses informations). D’un côté, la douleur est relayée via les fibres nerveuses nociceptives, et de l’autre, les fibres non nociceptives communiquent la sensibilité fine, le toucher, la proprioception, les vibrations, etc.

Les scientifiques ont observé que la microglie était seulement activée dans le cas où les deux types de fibres étaient excitées simultanément. Des analyses comportementales chez les souris leur ont permis de mesurer le temps de réponse à la douleur et donc la persistance de celle-ci. «Les rongeurs retiraient leurs pattes de la source douloureuse plus rapidement lorsque les deux types de fibres nerveuses avaient été actionnées que lorsqu’un seul type l’avait été, mettant ainsi en évidence une sensibilité accrue à la douleur dans le premier cas», constate DreSc. Manon Isler, première auteure de l’article et ancienne doctorante à la FBM au sein du laboratoire du Pr Suter. Le traitement par la minocycline, un antibiotique connu pour bloquer la microglie, a permis d’inhiber l’hypersensibilité observée.

La douleur chronique, mieux vaut prévenir

Ces résultats démontrent l’importance des fibres nerveuses non nociceptives dans l’installation de la douleur continue et la réactivité de la microglie. Ils ouvrent la voie vers de nouvelles mesures préventives de la douleur chronique post-opératoire pour laquelle les agents anesthésiques locaux actuels ne sont pas performants car ils agissent uniquement sur les fibres nociceptives aux concentrations utilisées. «Il s’agirait donc par exemple de trouver un moyen de cibler les fibres non nociceptives sans affecter les fibres motrices pour ne pas risquer la paralysie, ou encore d’identifier une molécule qui vise efficacement et précisément la microglie», explique Marc Suter. Pour cela, le groupe de recherche souhaite désormais déterminer les substances libérées par les fibres nerveuses responsables de l’activation anormale de la microglie afin d’espérer pouvoir la moduler de manière spécifique. «Le médicament utilisé dans notre étude pour bloquer cette hyperactivation de la microglie, la minocycline, n’est pas un bon candidat», ajoute le neuroscientifique. En effet celui-ci n’est efficace que chez les souris mâles, ce qui suggère que les mécanismes en jeu sont différents entre mâles et femelles, et potentiellement aussi chez les êtres humains. «De façon plus générale, nos travaux confirment l’intérêt de mieux comprendre la neuro-inflammation dans le contexte de la douleur chronique et chez les deux sexes», conclut le clinicien.

**Légende d'image:
Coupe d’un ganglion rachidien dorsal de souris. Les neurones qui détectent la douleur apparaissent en rouge. L’image, qui a fait la couverture de la revue Pain d'octobre 2025, montre une coupe d’un ganglion rachidien dorsal de souris, une petite structure nerveuse contenant le corps cellulaire des neurones (ou fibres nerveuses) qui transmettent les signaux du corps vers la moelle épinière. Les neurones qui détectent la douleur apparaissent en rouge. Certains sont marqués en vert et d’autres en bleu selon leur type. Cette distinction permet aux chercheur·euses de cibler et de stimuler précisément certains groupes de neurones. © 2025 Isler M. et al. Pain (Wolters Kluwer Health, Inc.)

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