Communiqué de presse
Lausanne, 20 janvier 2022

Les mécanismes de l'hyper-inflammation du COVID-19 dévoilés par une collaboration CHUV-EPFL

Des scientifiques de l’EPFL et du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont trouvé le mécanisme biologique à l’origine de formes graves de la maladie et de la mortalité liées au COVID-19. Ils ont découvert une voie de signalisation impliquée dans l’hyper-inflammation observée chez certains patients COVID-19.

Lors d’une infection virale, l’hôte produit des protéines nommées interférons de type I (IFN) pour se défendre. Les patients infectés par le COVID qui ne parviennent pas à mettre rapidement en place cette première défense évoluent vers une forme sévère de la maladie, avec des complications pulmonaires. Paradoxalement, chez ces patients, on constate alors une réponse IFN tardive qui conduit à une hyper-inflammation destructrice. Publiés dans la prestigieuse revue Nature, les travaux du Prof. Michel Gilliet, chef du Service de dermatologie du CHUV, et de la Prof. Andrea Ablasser, cheffe du laboratoire Immunité innée de l'EPFL apportent un nouvel éclairage sur ce paradoxe et ouvrent des perspectives thérapeutiques.

Le rôle des molécules de signalisation cGAS-STING
Les équipes ont découvert que la réponse IFN tardive conduisant à l’hyper-inflammation n’est pas déclenchée par le virus lui-même, mais par les dommages tissulaires qu’il induit, à travers des molécules de signalisation appelées cGAS-STING. cGAS détecte l'ADN – largué par les cellules mourantes – qui pénètre à l’intérieur des cellules et déclenche alors, à travers la molécule STING, la réponse IFN, conduisant à l’hyper-inflammation : un «orage de cytokines» qui finit par générer davantage de destruction de tissus sains. Il s’agit là d’une réaction identique à celle se produisant lors de blessures et dans le contexte de certaines maladies auto-immunes. Cette même équipe de recherche l’avait d’ailleurs déjà identifiée lors de travaux sur la cicatrisation cutanée et le psoriasis. 

«Nous avons été intrigués par le fait que les chauves-souris, qui ont désactivé le gène STING au cours de l'évolution pour éviter des réactions inflammatoires lors de leur vol, résistent à la maladie induite par le SARS-COV2 et constituent ainsi un réservoir viral», explique Prof. Michel Gilliet. «Ceci nous a incités à rechercher si STING est activé dans les manifestations de COVID-19 et pourrait être responsable de la maladie grave chez les patients». Prof. Andrea Ablasser a étudié la voie STING pendant des années, élucidant la cascade de réactions moléculaires qu’elle entraine : «Comme STING conduit à l'expression des IFN de type I et d'autres médiateurs inflammatoires, il était logique de tester son implication dans le processus d'hyper-inflammation induit par le SARS-CoV2».

Analogie entre lésions cutanées et pulmonaires
L'équipe de recherche en dermatologie du CHUV a commencé par étudier les lésions cutanées des patients atteints de formes sévères de SARS-CoV2 et a constaté qu’elles présentaient une destruction vasculaire importante, avec une production d’IFN par les macrophages environnants qui détectent l’ADN des cellules endothéliales mourantes via la voie STING. Les chercheurs ont ensuite examiné des échantillons de poumons de patients décédés d'une pneumonie due au SARS-CoV2 et y ont également découvert une activité de STING.

À l'aide d'une modélisation de poumon, les chercheurs de l'EPFL ont confirmé que l'infection par le virus SARS-CoV-2 active aussi la signalisation STING dans les cellules endothéliales pulmonaires, tout comme dans les macrophages. La réponse est alors déclenchée par la libération de l'ADN mitochondrial et conduit à la mort cellulaire et à la production d'IFN. Enfin, ils ont mené une étude in vivo pour déterminer les implications pharmacologiques de leurs découvertes. En administrant à des souris infectées par le SARS-CoV-2 des médicaments qui bloquent la voie STING, ils ont constaté une réduction de l'inflammation pulmonaire et une forme de la maladie moins grave.

«Nous avons identifié la voie cGAS-STING comme un moteur essentiel expliquant les réponses aberrantes à l'IFN dans le COVID-19», déclare Prof. Andrea Ablasser. Prof. Michel Gilliet conclut: «Notre étude ouvre la voie à de nouveaux développements de thérapies qui bloquent spécifiquement ce processus d'inflammation pathologique dans les formes graves de la maladie.»

Cette recherche est le fruit d'une étroite collaboration entre des scientifiques cliniciens du CHUV et des chercheurs de l'EPFL et a été financée par le Programme national de recherche «Covid-19» (PNR 78) en 2020.

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Le Programme national de recherche «Covid-19» (PNR 78)
Le PNR 78, financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), a pour objectif de recueillir de nouvelles connaissances sur le Covid-19 et l’évolution de la pandémie, de formuler des recommandations pour la gestion clinique de la maladie et le système de santé et de soutenir le développement de vaccins, de traitements et d’outils de diagnostic. Les travaux de recherche inscrits dans le cadre du PNR 78 ont débuté à l’automne 2020 et dureront deux ans. Le budget alloué au programme est de 20 millions de francs suisses. Le FNS a retenu, au mois de juillet 2020, 28 projets de recherche dont les résultats doivent être publiés, diffusés via les canaux de communication et discutés lors d’échanges avec les décideurs politiques et la société dès que possible.

A propos de l’EPFL
L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), est la plus cosmopolite des universités technologiques, avec des étudiants, chercheurs et collaborateurs de plus de 120 nationalités. Au cœur d’un environnement dynamique, ouverte sur la Suisse et le monde, l’EPFL se concentre sur ses trois missions fondamentales que sont l’enseignement, la recherche et le transfert de technologie. L’Ecole s’appuie sur un important réseau de partenaires, académiques ou industriels, et participe à plusieurs alliances internationales, dont certaines sont actives dans les pays en développement. En 2020, forte de 5 écoles, 2 collèges, 20 instituts, 44 centres de recherche et plus de 370 laboratoires, de plus de 6'000 employés et près de 12'000 étudiants, 23 nouvelles startup ont été créées, totalisant une levée de fonds de 285.8M.

Le CHUV en bref

Le CHUV est l’un des cinq centres hospitaliers universitaires suisses, aux côtés des hôpitaux de Genève, Berne, Bâle et Zurich. Il poursuit trois missions de base confiées par les pouvoirs publics: les soins, la formation et la recherche.

En 2022, grâce à ses 12'436 collaborateurs-trices, le CHUV a accueilli 53'422 patient-e-s hospitalisé-e-s. Il a traité 79'414 urgences, assuré 3'900 consultations ambulatoires quotidiennes et accueilli 3’185 naissances. Son budget annuel est de près de 1.9 milliard de francs.

Afin d’assurer la formation des médecins, le CHUV est étroitement lié à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne. Il collabore également avec les autres institutions universitaires lémaniques (EPFL, ISREC, Institut Ludwig, Université de Genève), les Hôpitaux universitaires de Genève, ainsi qu’avec d’autres hôpitaux, établissements de soins ou institutions, telles la Fédération des hôpitaux vaudois et la Société vaudoise de médecine.

Depuis 2019, le CHUV figure dans le classement des meilleurs hôpitaux du monde, selon le magazine Newsweek.