Une vaste activité de recherche est menée au sein du Service de psychiatrie générale. L’accent est résolument porté sur la recherche clinique ainsi que sur la recherche translationnelle, en proche collaboration avec les unités de recherches transverses du Département de psychiatrie et celles du Centre des neurosciences psychiatriques.
Le programme TIPP offre un suivi spécialisé de 36 mois aux jeunes patient-e-s âgé-e-s de 18 à 35 ans qui sont confronté-e-s à un premier épisode psychotique. Les patient-e-s sont suivi-e-s prospectivement pendant 36 mois. L’objectif est de répondre à de multiples questions cliniques et thérapeutiques qui restent ouvertes et qui constituent des obstacles à la mise en place de traitements taillés sur mesure et basés sur les caractéristiques de chacun-e.
Le programme clinique « Prodromes » (ou ARMS -At-Risk Mental States) offre un consilium spécialisé pour la phase prodromale de la psychose aux jeunes âgé-e-s entre 18 et 35 ans en demande d’aide ainsi qu’un follow-up clinique de trois ans pour réduire en premier lieu la durée de psychose non traitée. L’objectif du suivi de cohorte est de caractériser la phase en amont de la psychose aiguë de la manière la plus individualisée possible, à l’aide d’indicateurs cliniques, psychopathologiques et psychosociaux qui précisent ainsi les trajectoires de rétablissement et les interventions thérapeutiques ciblées.
Cette recherche longitudinale s'intéresse à observer et expliquer les changements dans les symptômes et problèmes psychosociaux des patient-e-s avec un trouble de la personnalité borderline, en comparaison à des patient-e-s qui ne présentent pas ce trouble. Ce projet évalue à travers des années de suivi les problèmes et ressources principaux par des questionnaires auto-rapportés et des entretiens cliniques validés, ainsi que pour un sous-échantillon les changements quotidiens de ces problèmes et ressources via un dispositif smartphone. Ce projet bénéficie d'un soutien du Service de psychiatrie générale et se réalise en collaboration avec l'Institut universitaire de psychothérapie, ainsi que l'hôpital McLean, Belmont, MA, USA.
Le programme CALM étudie l’effet d’un traitement adjuvant chronobiologique au cours d’un épisode maniaque chez les patient-e-s adultes bipolaires. Les recherches actuelles sur l’étiologie du trouble bipolaire mettent en évidence des dysfonctions notables du rythme circadien chez les patient-e-s bipolaires. Ces troubles des rythmes circadiens n’ont, jusqu’à présent, été que peu explorés comme cible thérapeutique lors de cette phase de la maladie. L’objectif est de mieux comprendre l’impact du traitement adjuvant sur les symptômes maniaques et sur différents marqueurs du rythme circadien.
Le mouvement de désinstitutionalisation a amené une réduction très importante du nombre de lits psychiatriques, accompagnée par le développement de nombreuses structures de type foyers. Si aujourd’hui, la durée des hospitalisations psychiatriques est, la plupart du temps, relativement brève, certain-e-s patient-e-s continuent à faire de très longs séjours.Ces derniers ne sont donc pas en phase avec la mission de soins aigus qui est désormais dévolue à ce lieu de soins. A l’aide de données de routine, il s’agit d’étudier les raisons qui ont conduit aux hospitalisations et les patterns d’utilisation de l’hôpital. Il s’agit de mettre en évidence les caractéristiques des patient-e-s ultra-haut-e-s utilisateur-trice-s de soins et les caractéristiques associées à une utilisation intensive de l’hôpital afin d’améliorer les soins et proposer des alternatives aux hospitalisations de très longue durée.
Une observance partielle ou absente aux antipsychotiques peut concerner jusqu’à 80% des patients souffrants de schizophrénie selon les études. Les répercussions pour les patients et le système socio-sanitaire sont majeures. Comprendre les déterminants de cette problématique est indispensable pour adapter l’offre en soins et les prises en charge de cette population en milieu hospitalier. L’étude : ‘’Alliance thérapeutique, insight et adhérence au traitement antipsychotique : perceptions de patients hospitalisés et atteints d’un trouble du spectre de la schizophrénie’’, a pour but de décrire les déterminants associés à l’adhérence au traitement antipsychotique à travers l’alliance thérapeutique avec les intervenants hospitaliers (infirmier/médecin) et l’insight de patients et souffrants d’un trouble du spectre de la schizophrénie hospitalisés au sein du Service de Psychiatrie Générale dans la section ‘’Eugène Minkowski’’ de l’hôpital psychiatrique de Cery.
Neurobiologie
Ce projet de recherche, qui est le fruit d’une étroite collaboration entre l’Unité de recherche sur la schizophrénie (Prof Kim Do) et la section « Eugène Minkowski » (Dre Alessandra Solida et Prof Philippe Conus), s’adresse principalement aux adolescent-e-s et jeunes adultes présentant un état à haut risque de psychose. Une évaluation multimodale (cf. évaluations cliniques et neurocognitives, analyses sanguines et de fibroblastes, imagerie du cerveau, électroencéphalographie, étude du sommeil) des patient-e-s est réalisée de manière répétée sur une période de trois ans. L’objectif est multiple : identifier des profils de biomarqueurs qui aident à prédire la conversion à la psychose et à détecter de façon précoce la maladie, et contrôler l’efficacité de nouveaux traitements plus adaptés aux difficultés des patient-e-s.
Selon la littérature scientifique, environ un-e patient-e sur trois atteint-e de schizophrénie montre une résistance au traitement antipsychotique classique. L’identification de ces patients, au cours du suivi clinique, est compliquée et l’introduction d’un traitement adéquat est généralement retardée de plusieurs années. Ceci implique, dans la majorité des cas, un pronostic sombre et une perte de fonctionnement à long terme. Notre projet vise la détection de marqueurs biologiques au niveau périphérique (sang) et central (imagerie cérébrale) qui seraient présents au début de la maladie spécifiquement chez les patient-e-s résistant-e-s. La mise en évidence de biomarqueurs précoces de résistance présente un double intérêt : d’un côté, elle permettrait une anticipation du diagnostic de résistance et une prise en charge plus adéquate. De l’autre, elle ouvre la voie à une meilleure compréhension des mécanismes neurobiologiques sous-jacents, ce qui constitue une étape fondamentale dans le développement de nouvelles approches thérapeutiques ciblées.
Plusieurs évidences suggèrent qu’un stress oxydatif et une dérégulation de la balance redox participent à l’émergence de la psychose. Par ailleurs, chez ces patient-e-s, des déficits de filtrage sensoriel pourraient jouer un rôle clé dans la physiopathologie de la psychose. Tout particulièrement en modalité auditive, ces déficits peuvent être étudiés grâce au paradigme P50 en électroencéphalographie (EEG). L’objectif de ce travail consiste à investiguer les liens potentiels entre ces déficits de filtrage sensoriel auditif et des mesures de dérégulation redox chez des patient-e-s qui présentent une psychose débutante.
Ce projet, conduit en collaboration avec le laboratoire de neurosciences cognitives du Prof. Blanke à l'EPFL, s’intéresse à une des facultés essentielles de l’être humain qui est la prise de conscience de ce qui appartient à son monde interne et de ce qui fait partie du monde externe. Cette faculté nécessite une bonne intégration de multiples informations sur le monde externe et interne de la personne. Cette intégration peut être perturbée dans certaines conditions, menant à une mauvaise attribution de ce qui appartient au monde interne et au monde externe. Le sujet peut alors avoir l’impression que ses actions sont influencées par une force extérieure. Ces défauts d’intégration pourraient être à l’origine de certains symptômes psychotiques, tels que les pensées imposées ou certaines hallucinations acoustico-verbales. L’étude des mécanismes sous-tendant cette intégration permettrait donc de mieux comprendre ces symptômes et proposer d’éventuels traitements.
L'imagerie par TEP permet d'explorer le cerveau en utilisant des traceurs ciblant des récepteurs spécifiques de certains neurotransmetteurs. C'est une modalité complémentaire à l'imagerie fonctionnelle et morphologique réalisée par IRM. Dans ce projet, nous évaluons la transmission par glutamate qui semble jouer un rôle important dans différentes maladies psychiques, notamment dans le trouble de la personnalité borderline. Nous cherchons à mesure la densité de récepteurs mGluR5 disponibles dans le cerveau, dans le but de mieux comprendre les phénomènes neurobiologiques sous-jacents en explorant un nouveau biomarqueur potentiel.
Psychopharmacologie
L’aripiprazole est un antipsychotique atypique avec un faible potentiel de risque de prise de poids et est donc une des molécules de choix pour le traitement d’un premier épisode psychotique. Elle est métabolisée par deux enzymes, le cytochrome P4502D6 (CYP2D6) et cytochrome P4503A4 (CYP3A4), enzymes avec des activités très variables, sous contrôle génétique. L’objectif est de déterminer l’influence de facteurs cliniques et génétiques sur les taux sanguins de l’aripiprazole. Ce travail pourrait contribuer à une prescription personnalisée.
On sait depuis plusieurs années que de nombreux psychotropes, y compris les antipsychotiques atypiques, peuvent induire des effets secondaires et en particulier un syndrome métabolique. Depuis 2007, les patient-e-s du service sont mis au bénéfice d’un suivi de l’évolution de leur profile métabolique dès l’introduction d’un tel traitement. En parallèle à cette démarche, un projet de recherche financé par le FNS (Prof Chin Eap, requérant principal) sur les déterminants pharmaco-génétiques de l’apparition de ces modifications a été mis sur pied et une cohorte de plus de 2000 patient-e-s suivi-e-s prospectivement à cet égard a été créée. De nombreux articles scientifiques basés sur cette cohorte ont été publiés.
Ce projet s’intéresse à la relation entre le milieu urbain et l’émergence de symptômes psychotiques. Ses premières étapes ont permis une compréhension plus fine de facteurs de stress urbain, de même que de stratégies de coping employées par des personnes souffrant de psychoses. Sur cette base, l’élaboration d’un module thérapeutique ayant pour cible l’évitement de la ville et le manque de capacité d’y trouver du réconfort et du plaisir est en cours.
Les groupes Osler sont un dispositif original, inspiré d’expérience similaires, visant à soutenir le développement de l’identité professionnelle chez les médecins en formation. Il s’agit de groupes de parole, stables et régulier sur une année, qui réunissent des médecins assistants, éventuellement des chefs de clinique, appartenant au même service, sous la guidance d’un médecin aîné issu de leur spécialité et d’un psychiatre. Les rencontres doivent permettre d’élaborer les enjeux liés à la transformation, bien décrite par l’anthropologie médicale, de « laïc » à « médecin », à partir de l’expérience vécue au quotidien de chaque participant. Depuis 2016, 6 groupes se sont déroulés, sur une à deux années : 3 en médecine interne, 1 en psychiatrie, 1 aux soins intensifs adultes et pédiatriques, 1 en chirurgie viscérale. Le projet de recherche vise à documenter cette expérience en croisant les perspectives, selon la méthode de l’étude de cas. Le matériel est constitué d’une série d’entretiens qualitatifs avec des participants, des animateurs, et des responsables institutionnels ; de la transcription intégrale des séances du 1er groupe ; de quelques témoignages enregistrés pris sur le vif au cours des groupes ; et d’échanges de messages audio entre intensivistes sur un groupe Whatsapp pendant les premiers mois de la pandémie, alors que les rencontres Osler étaient suspendues.
Ce projet s’appuie sur une série d’entretiens avec des médecins canadiens, reconnus pour leur excellence clinique, qui visaient une explicitation phénoménologique de leur pratique. Ce travail inital a donné lieu à une première publication. Il s’agit aujourd’hui de reprendre ce matériel et de le relire à la lumière du concept de phronesis, tel qu’il a été développé dans l’Ethique à Nicomaque : la prudence, ou sagesse pratique. La phronesis est une notion qui a pris de l’importance dans le domaine de l’éducation médicale, souvent proposée comme la vertu essentielle du bon clinicien. L’analyse en cours veut à la fois décrire la clinique dans les termes de la phronesis, et enrichir en retour les conceptions contemporaines de ce que serait une phronesis clinique.
Cette recherche dans le domaine de la psychothérapie, à l'interface de la neuroimagerie, s'intéresse à expliquer, dans le cadre d'une étude randomisée contrôlée, les processus de changement par lesquel opèrent les traitements brefs du trouble de la personnalité borderline. Un traitement bref basé sur les principes du Good Psychiatric Management est comparé à un traitement bref habituel connu. Les changements émotionnels et socio-cognitifs sont évalués à plusieurs points de mesure dans le design; cette évaluation se réalise via des paradigmes développés et validés, notamment des paradigmes psychologiques et de neuroimagerie. Ce projet bénéficie d'un soutien du FNS (PD Dr. Kramer) et se réalise dans un contexte collaboratif avec l'Institut universitaire de psychothérapie, le Département de neurosciences cliniques (particulièrement le LREN) et nos partenaires internationaux.
Depuis 2016, la section Karl Jaspers conduit deux fois par an un programme de groupe psychoéducatif nommé "Connexions familiales", destiné aux proches de patients souffrant de troubles de la personnalité borderline (TPB). Basé sur les principes théoriques de la thérapie comportementale dialectique, ce programme en douze séances vise à enseigner aux participant-e-s ce qu'est le TPB et ce que la recherche nous apprend sur ce trouble, notamment concernant la manière dont le TPB affecte la personne qui en souffre dans la régulation de ses émotions et de ses relations avec les autres. L'objectif est en outre d'aider les participant-e-s à développer des compétences spécifiques en matière de pleine conscience relationnelle, de régulation des émotions, de communication, de validation et de gestion des problèmes, qui leur permettront de mieux gérer leurs relations avec leur proche. La section Jaspers, en partenariat avec l'Institut universitaire de psychothérapie, a récemment démarré une recherche visant à étudier l'efficacité de ce programme. L'hypothèse principale de la recherche est que, à la fin du programme, les participant-e-s montreront une réduction de leur détresse psychologique et une amélioration de leurs capacités d'adaptation et de validation et que ces effets positifs seront encore observables trois mois après la fin du programme. Les résultats de plusieurs études d’efficacité, réalisées aux Etats-Unis et en Suède notamment, indiquent que le programme permet de réduire les sentiments de fardeau, de deuil, et de culpabilité, ainsi que les symptômes dépressifs chez les participant-e-s, et d'augmenter leur sentiment de maîtrise dans leur relation avec leur proche. Certaines de ces études suggèrent également que ces effets bénéfiques semblent persister dans le temps, jusqu'à six mois après la fin du programme. L'étude débutée au CHUV sera la première à investiguer l'effectivité de ce programme en Suisse et permettra aux chercheur-euse-s et aux clinicien-ne-s de mieux comprendre la manière dont ce programme agit sur les participants.
Investigateurs : Dr Stéphane Kolly (Section Karl Jaspers), Dr Ueli Kramer (Section Karl Jaspers, Institut universitaire de psychothérapie), Dr Hervé Tissot (Institut universitaire de psychothérapie)