Café Sexologie : une initiative pour écouter et soutenir les patientes
Dès l’annonce d’un cancer du sein, de nombreuses patientes se posent des questions sur leur corps, leur intimité et leur relation au partenaire. Pour répondre à ce besoin, Lucie Sforza, infirmière référente du Centre du Sein, a lancé les Cafés Sexologie et les co-anime avec le Dr Julien Fluckiger, gynécologue responsable du Centre de santé sexuelle - planning familial du CHUV ainsi que de la consultation de médecine sexuelle. Ces rencontres offrent un espace libre, bienveillant et sans tabou pour parler de sexualité, d’image de soi et de qualité de vie.
Pour mieux comprendre cette initiative et son impact pour les patientes, nous avons rencontré Lucie Sforza, qui a accepté de partager son expérience et ses réponses à quelques questions.
Interview.
Comment est née l’idée du Café Sexologie ?
L’idée du Café Sexologie est née en s’inspirant du concept des « cafés prostate ». L’objectif était de créer un espace d’échange libre et bienveillant, où les patientes puissent parler de sexualité de manière informelle, mais toujours encadrée par des professionnels de santé.
La sexualité est un sujet encore trop peu abordé dans le parcours de soins, alors qu’il est profondément impacté, à chaque étape, notamment lorsqu’il s’agit d’un cancer touchant à des parties du corps liées à la féminité, à l’image de soi et à l’intimité. Ce café permet de remettre la parole sur la sexualité au cœur de la prise en charge globale.
Quels besoins spécifiques des patient·e·s vous ont motivée à créer cet espace d’échange ?
Très tôt dans le parcours de soins, dès l’annonce du diagnostic, beaucoup de patientes expriment – parfois timidement – des inquiétudes liées à leur sexualité, à leur corps qui change, à l’image qu’elles renvoient.
On sent un réel besoin d’en parler, mais aussi une retenue : certaines n’osent pas aborder ces sujets, par peur de paraître « futiles » face à l’urgence de la maladie. Pourtant, la sexualité, l’intimité, le rapport à son corps sont des dimensions fondamentales du bien-être.
De nombreuses études montrent d’ailleurs qu’aborder ces sujets dès le début du parcours de soins améliore non seulement la qualité de vie, mais aussi l’adhésion et la tolérance aux traitements. Offrir un espace de parole sécurisant permet aux patientes de se sentir entendues et soutenues dans toutes les dimensions de leur vie.
En quoi le format d’un « café » facilite-t-il la discussion sur un sujet parfois encore tabou ?
Le format du café permet de sortir du cadre classique de la consultation. C’est un moment convivial, moins formel, où la relation soignant-soigné devient plus horizontale.
Autour d’un café, la parole circule plus librement. Chacun·e peut s’exprimer à son rythme, partager ses ressentis, poser ses questions… ou simplement écouter. Cela crée une dynamique de groupe bienveillante, dans laquelle les tabous tombent plus facilement.
Quels thèmes ou problématiques sont le plus souvent abordés par les patient·e·s ?
Les questions qui reviennent le plus souvent concernent l’image de soi, le regard de l’autre, et la peur de ne plus être « la même » après les traitements. Beaucoup de femmes expriment l’angoisse de ne plus plaire à leur partenaire, la honte liée à un corps transformé, meurtri par la chirurgie ou les traitements.
Il y a aussi une grande inquiétude sur la place qu’elles vont continuer à occuper dans leur couple, dans leur famille. Certaines redoutent de perdre leur rôle, leur identité, et se demandent si leurs proches pourront accepter ces changements.
Ce sont des sujets profondément humains, souvent tissés d’émotion, de pudeur, mais aussi d’espoir.
Quel rôle joue l’infirmière référente dans l’accompagnement sur la sexualité et l’intimité en lien avec le cancer du sein ?
En tant qu’infirmière référente, nous avons un rôle essentiel. La nature même de nos consultations – en tête-à-tête, dans un cadre intime et en confiance – favorise des échanges profonds et sincères.
Avec le temps, un lien se crée, et les patientes se sentent autorisées à aborder des sujets personnels, parfois difficiles. Nous avons aussi la possibilité d’inclure les partenaires dans certaines rencontres, ce qui peut faciliter la communication au sein du couple.
Notre rôle n’est pas de résoudre des problématiques de couple préexistantes, mais bien d’être une oreille attentive, un soutien, et un relais vers d’autres professionnels (sexologues, psychologues, etc.) si besoin. Nous sommes là pour ouvrir la discussion, rassurer, orienter.
Avez-vous déjà observé des retours ou bénéfices concrets de ces rencontres pour les patient·e·s ?
Oui, très clairement. Beaucoup de patientes expriment un véritable soulagement à l’issue de ces rencontres. Elles se rendent compte qu’elles ne sont pas seules à vivre ces questionnements, que d’autres partagent les mêmes craintes, les mêmes doutes. Cela crée un sentiment d’appartenance, de solidarité.
La présence des partenaires, lorsqu’ils sont là, est souvent vécue comme très positive. Leurs mots, leurs peurs, leur bienveillance aident à recréer du lien, à désamorcer certaines tensions ou non-dits.
Ces moments permettent souvent de remettre de la douceur, de la communication, et de la compréhension au sein du couple. C’est une étape importante dans la reconstruction, au-delà du corps.
Pouvez-vous développer ?
Aborder la sexualité dans le parcours de soins oncologiques, c’est reconnaître que les patientes ne sont pas uniquement des corps à soigner, mais des femmes à accompagner dans toutes les dimensions de leur vie.
Avec le Café Sexologie, nous avons souhaité offrir un espace de parole libre, bienveillant et sans tabou, pour parler d’intimité, d’image de soi, de couple, de désir — tous ces sujets essentiels qui, bien que souvent tus, traversent profondément l’expérience de la maladie.
Parce que prendre soin, c’est aussi écouter, accueillir la vulnérabilité, et permettre à chacune de se reconstruire dans sa globalité, au-delà des traitements.
Ce sont ces moments d’échange, de partage et de solidarité entre patientes et professionnel·le·s qui donnent tout son sens à notre engagement au quotidien, et à cette belle mobilisation qu’est Octobre Rose.
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Info pratique :
Prochaine séance le 8 octobre, de 18h à 20h30
Lieu: CHUV, Lausanne
Il reste encore quelques places.
Inscription : joelle.cicoletti@chuv.ch